jeudi 8 septembre 2011

Le developpement économique : la clef de tout ?

Voici un sujet qui fait polémique de façon constante, un sujet qui interpelle à tous niveaux. Localement, mais comme partout en fin de compte - chacun aura compris que les passions s'exacerbent toujours dans l'excès chez nous - il est reproché à la sphère politique en place que de ne rien faire pour le développement économique d'Aubusson et de ses environs.
Voici une affirmation teintée de vrai et de faux qu'il convient de prendre avec prudence sur une question plus complexe qu'elle n'est suggérée dans la phrase "ne rien faire pour le développement économique", par trop réductrice.
Nombre d'élus locaux (de tous bords) se sont cassés les dents sur cet épineux sujet, parce que le monde économique peut-être bien souvent objet de mystères pour le politique, non initié à cette science bien particulière.
Le mois dernier, les médias locaux se sont fait l'écho de la volonté affichée par le Sud Creusois de se construire un avenir, notamment par l'intermédiaire du Développement Economique. Michel Moine, maire d'Aubusson, et Thierry Suin, président de la CCI de la Creuse estimant de concert que le sud du département "ne saurait seulement constituer un espace à réserver au tourisme et à l'agriculture". Un discours résolument positif auquel, pour quiconque qui a de l'ambition pour son territoire, chacun ne pourra qu'apprécier et saluer. Mais nul ne saurait, qui plus est les politiques, pouvoir dire le contraire ; le positivisme à toute épreuve. Souvenons-nous un instant de Xavier Bertrand qui voit des signes positifs dans la hausse du chômage...

La question mérite clarté et pragmatisme. Il est bon de ne pas faire comme le Maire d'Aubusson, qui se perd en déclarations contradictoires sur le sujet, appelant d'abord à un développement autonomisé du Sud Creusois, avant d'en appeler à une entrée dans la Communauté d'Agglomération de Guéret pour jouir de son aura dans le cadre du développement économique (cf article 29/04/2011), avant de revenir à l'idée d'un développement indépendant dans lequel il n'est plus question de la CA de Guéret...

Bref, il est bon de préciser la nature de la relation entre politique et économie, pour mieux cibler les compétences, le rôle et les responsabilités de chacun en la matière.
Cela est important et nécessaire, pour bien comprendre que contrairement à ce qui sommeille dans l'insconscient collectif, le politique ne peut pas ni ne doit tout en matière d'économie ; le politique n'est pas maître de l'économie. Bouc-émissaire de la moindre difficulté, on le voudrait hyper-interventionniste et responsable de tout. Cela va à l'encontre de la plupard des doctrines économiques, en dehors du marxisme dont on sait tous, ce qu'il en advînt, un dogme qui n'a plus court dans un contexte où l'économie de marché s'est imposée partout.

Le politique n'est pas là pour faire le développement économique, il est là pour poser les bases et les conditions du développement économique dans la mesure des compétences qui lui sont attachées : Mairie, Communauté de Communes, Conseil Régional, Etat, Union Européenne. A chaque étage de la hiérarchie administrative, il existe des leviers susceptibles de favoriser la mise en place de moyens d'action permettant à un territoire un développement économique.
Localement, la proximité des échellons sus-visés doit nous permettre, dans le cadre d'un travail cohérent, concerté, d'accoucher de projets structurants pertinents en la matière. Michel Moine est en effet Maire et Président de la Communauté de Communes, son quatrième adjoint, Gilles Pallier, chargé du développement économique est par ailleurs vice-président du Conseil Régional. Voilà qui devrait faciliter les choses...

On l'aura donc compris, le rôle du politique consiste à créer les conditions du développement économique, de structurer le territoire de sorte que celui-ci devienne attractif pour les porteurs de projet. Dès lors dans une logique territoriale, il apparaît important de ne pas se cantonner exclusivement à Aubusson et sa proximité, mais viser à un rayonnement plus vaste qui engloberait l'ensemble du Sud Creusois ; cela pour des raisons essentiellement structurelles et sociales.

Car en effet, parler de développement économique, c'est faire référence à l'ensemble des mutations positives que peut connaître un territoire ; ce qui sous-entend que l'essor économique doit profiter à l'ensemble de la population locale, que celle-ci doit y trouver son compte sur le plan social. C'est pourquoi le développement d'Aubusson, qui sera toujours le chef lieu (d'une future ex-circonscription) du Sud Creusois, doit la voir tenir le rôle de pôle d'attraction qui rayonne par delà ses limites.

La corrélation entre Economie et Social est importante, même essentielle ; elle entend qu'il n'est pas de développement économique, sans la mutation sociale qui doit l'accompagner ; elle induit une juste répartition des richesses produites, générées et distribuées. C'est dire qu'il n'est pas de réussite économique réelle sans réussite sociale. Chacun s'accordera volontiers sur ce point.
Dès lors, le niveau de vie d'une population au sein d'un territoire est un indice incontestable de la qualité d'un développement économique.
Ainsi s'agissant de la Creuse, on notera que le premier employeur du département est le secteur sanitaire et social, qui est un indicateur éloquent. Pour Aubusson, plus précisément, les études publiées par l'ORS (Observatoire Régional de Santé) qui s'appuie sur des données économiques et sociales pour l'établissement de son diagnostic, révèle une précarisation des conditions de vie de la population. Cela révèle donc la mauvaise santé économique de notre territoire... C'est un constat que nous aurions tord d'éluder et de passer sous silence.

Les principaux handicaps sont connus depuis fort longtemps, avec une certaine redondance d'analyse. Ils sont majoritairement d'ordre structurel.
On pourra toujours vanter la qualité de vie à la campagne en Creuse, parce que département tranquille. Ce type d'appréciation repose toujours sur des critères tout aussi objectifs que subjectifs. Une évolution structurelle dénaturerait elle notre département ? Influerait-elle sur ses atouts naturels ? Bien sûr que non !
Pas d'insécurité en Creuse. Pas davantage en Principauté de Monaco, mais un réseau de santé certainement plus sécurisant que chez nous...
Nos principaux problèmes concernent le désenclavement de nos territoires (sujet récurrent depuis des décennies), l'accès aux réseaux et aux nouvelles technologies, le foncier économique. Quel porteur de projet prendrait le risque d'installer une activité économique dans un contexte qui ne répondrait pas à ce type d'exigences ?
L'effort de nos politiques doit donc en premier lieu porter sur l'assise structurelle de nos territoires pour les rendre accessibles et attractifs.
Nous noterons volontiers des efforts sur ces différents points ; efforts qui apparaîtront toujours comme tardifs  pour une analyse qui est pour le moins ancienne. Ainsi, le réseau routier s'améliore, les liaisons entre les principales villes régionales s'optimisent (nous nous en sommes notamment fait l'écho sur l'axe Aubusson-Clermont-Ferrand), les collectivités s'échinent à trouver des terrains à vocation économique, la fibre optique va bientôt arriver à la Seiglière. Les élus sont donc en train de poser (mais n'est-il pas trop tard ? Espérons que non, ayons la Foi !) les conditions du développement économique
Autre rôle du politique à cet égard, même s'il peut parfois passer au second plan, c'est celui d'être l'ambassadeur du territoire dont il est élu, il doit en être "l'agent commercial" pour en diffuser et promouvoir ses atouts, amorcer une dynamique. Il est évident que la théâtralité du contexte politique local ne contribue pas nécessairement à renvoyer une image positive vers l'extérieur. Cessons d'être aveugles !

Mais il serait injuste de ne pas noter des évolutions qui paraissent aller tardivement dans le bon sens ; le Centre d'engraissement de St Martial, par exemple répond à une vrai problématique locale. De là à s'enflammer derechef, à voir.
Il ne sert à rien, sauf à vouloir se faire mousser, de faire étalage en ces périodes pré-électorales, durant lesquelles il faut bien se faire voir et montrer patte blanche, du niveau d'investissements consentis (plusieurs dizaines de millions d'euros) qui ne parlera pas concrètement au citoyen lambda. Le Pôle Santé est ainsi incontestablement un investissement structurel d'avenir, pour de l'emploi déjà existant.
N'oublions pas que la hauteur d'un investissement financier n'est pas forcément une garantie. La pertinence se mesure toujours dans le temps, et l'histoire factuelle en sera le juge, sur la base de résultats concrets que nous attendons tous avec impatience.

Car nous aurions tord de voir en Aubusson une place forte en pleine expansion économique sur la simple base des effets d'annonce, même si nous escomptons tous son devenir.
A ce titre, un autre indicateur incontestable de bonne ou mauvaise santé économique de notre territoire : le commerce. Il est une activité d'échanges et de distribution, de biens ou de services.
le commerce est le pendant de l'activité économique, générateur de croissance. Là où le développement économique est optimal, le commerce est florissant. Mais la réciproque est également vraie. Une activité commerçante ou commerciale qui décline est le signe d'une mauvaise santé économique.
Aubusson se trouve ainsi particulièrement concernée. Reconnue autrefois comme une ville prospère, avec un tissu commerçant vivant et de qualité, chacun constatera la fermeture progressive de nombreuses enseignes en Centre-Ville, essentiellement dans la Grande-Rue, témoignant de ce que beaucoup considèrent comme un lent déclin.

A la lumière de ces différentes démonstrations chacun pourra juger de ce qu'il en est du développement économique de notre ville et du travail des politiques à cet égard. On ne peut s'enorgueillir de si peu en la matière depuis tant et tant d'années. Mais il n'est pas, nous concernant, de point de non retour. Nous pouvons avoir de l'espoir et foi en l'avenir en mobilisant de façon cohérente et solidaire nos forces, et nos atouts. L'économiste Michel Godet, qui sera présent aux Universités de rentrée du MoDem, à Giens, l'a martelé : "Il n'y a pas de territoire sans avenir, mais des territoires sans idée."
A méditer, pour tous les politiques... Un autre chemin existe...

2 commentaires:

  1. Outre les facteurs structurels type le non accès au numérique rapide ou l'isolement des communications par les chemins de fer qui disparaissent à petit feu ou encore la moyenne d'âge élevé et les faibles revenus en moyenne parmi les plus bas de France, notre département souffre essentiellement d'une mentalité génétiquement ancrée retrograde, et constitue un espace volontairement peu ouvert sur l'extérieur et l'autre en général perçu comme un étranger perturbateur de tranquillité, le tout orienté dans une recherche d'une garantie que rien ne devra jamais changer pour demeurer comme au bon vieux temps d'antan dans une sorte de parc ou réserve exotique du passé.

    De plus, l'initiative individuelle lorsqu'elle se présente n'est pas portée par les instances qui pourraient aider les porteurs de projets, ou plus exactement, les réseaux verrouillent les attributions des appuis.

    En bref, choisir d'investir dans une activité économique quelconque dans ce département moribond, autarcique et verrouillé de l'intérieur, est une pure folie pour un chef d'entreprise qui voudrait démarrer de rien alors que tant de territoires offrent les atouts manquants ici.

    La seule clé du développement ou relance économique qui soit est celle de l'ouverture sur l'extérieur comme condition préalable. Pragmatiquement, une entreprise ou micro-entreprise nouvelle qui s'installe en Creuse ne peut perdurer en l'état que si elle dispose de clients situés à l'extérieur et ne pas dépendre du tissu local pour ne pas devoir se heurter à la mentalité autochtone et aux handicaps structurels.

    Bref, le département et en particulier son secteur sud, tellement isolé de tout et replié sur son nombril meurt à petit feu au rythme de l'appauvrissement général du pays.

    Il y a néanmoins des solutions, elle passe par des hommes et femmes qui viennent d'ailleurs, des néo-ruraux essentiellement qui développeraient des projets détachés de tout territoire et fondés ou s'appuyant sur les nouvelles technologies pour atteindre une zone de chalandise nationale voire internationale.

    Cela fait 15 ans que je suis installé en Creuse et on se fait toujours plaisir à me savoir que je suis un immigré de l'Ile de France. Outre la qualité de vie rurale, seul atout véritable, je regrette amèrement d'être venu par hasard m'installer "chez eux" et une chose est maintenant bien certaine : dans peu de temps je quitterai ce beau département surrané et d'arrière-garde pour un territoire qui accepte les étrangers et la nouveauté et emporterai avec moi mes deux business sans attaches territoriales qui me font vivre. Une sorte de développement économique à l'envers pour un territoire d'un autre siècle...

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  2. Mathieu CHARVILLAT11 septembre 2011 à 07:54

    Merci pour votre contribution. Une analyse qui rejoint celle que fait souvent une population qui immigre vers notre département.

    Oui, le manque d'ouverture vers l'extérieur, tant structurel que culturel est un handicap. Peut-être l'ouverture structurelle permettra-t-elle l'ouverture culturelle ?

    Vrai aussi pour le cloisonnement des réseaux, plusieurs témoignages (le dernier en date de Vendredi) de porteurs de projets ( y compris et SURTOUT des jeunes)m'ont été rapportés sur ce point.

    Comme j'ai eu l'occasion de le signifier dans plusieurs débats auxquels j'ai participés, il y a une "révolution culturelle de velours" à mener pour créer une évolution. Ce sujet a beau être tabou, il est revendiqué par énormément de personnes.

    Les ambassadeurs du territoire (élus...) ont ainsi leur rôle et leur responsabilité dans l'image a renvoyer à l'extérieur. Ou comment valoriser nos atouts sans se dénaturer : l'évolution.

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