lundi 10 décembre 2012

Mieux vaut prévenir que guérir.

La question de la démographie médicale est revenue au coeur des derniers débats nationaux. Problème visé de façon récurrente par nos gouvernants, mais trop souvent traité de façon allusive, il laisse planer la menace d'une sécurité sanitaire non assurée sur des territoires dits désertés.
La question se posait déjà de façon immédiate il y a quelques années, elle se pose maintenant de façon urgente.
Dans le cas précis, on rappellera que l'urgence n'est pas soudaine, que nous avons pendant longtemps assisté, en spectateurs souvent passifs, à un phénomène procédant d'une évolution linéaire de désertification médicale, en particulier sur des territoires en souffrance.
Nous avons été spectateurs d'un risque qui a d'abord soulevé des inquiétudes, des mécontentements puis de la colère, sans parvenir à enrayer ce phénomène, qui renvoie aujourd'hui au fait que bien que disposant d'une densité médicale parmi les plus fortes des pays de l'OCDE, l'accès aux soins est devenu de plus en plus inégalitaire suivant les territoires suscitant un risque sanitaire indéniable.
Et les perspectives d'avenir incitent à l'inquiétude, puisqu'à l'horizon 2025, nous ne compterons plus que 23.000 généralistes en France contre 56.000 actuellement. Une conséquence conjoncturelle d'une problématique structurelle, pour une vraie question de société qui engage l'avenir de notre pays.
Parce que la réalité de la problématique médicale en France est essentiellement liée à des évolutions manquées dans le temps ; trop accrochés que nous sommes à un mode de fonctionnement figé qui n'épouse pas les évolutions d'un temps qui accompagne une société toujours en mouvement.
Les attitudes coercitives de nos gouvernants, en la matière, ne sont pas efficaces face à un problème aux données multifactorielles.

Le constat d'urgence est aujourd'hui dressé qui appelle à des solutions pertinentes. Cela suppose et une analyse, un questionnement et des réponses adaptées qui doivent influer non pas sur une donnée conjoncturelle, mais sur le structurel en lui-même.

Loin, bien loin de l'idée caricaturale de Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, qui propose l'incitation financière comme remède, en garantissant aux médecins qui s'installeraient dans les "déserts médicaux", une rémunération de 55.000 € par an durant deux ans.
En arriver à ce type de proposition, c'est d'ores et déjà n'avoir rien compris du problème.

L'incitation financière en serait même insultante ; mathématiquement cela revient à 4.600 € par mois pour le médecin, qui seraient l'équivalent de 200 patients consultés par mois, soit 10 patients par jour sur 20 jours de consultations au mois. Si un médecin travaille dans ces conditions, c'est qu'il n'exerce pas dans un "désert médical".

Le noeud du problème ne tient pas à la question financière. D'autres paramètres entrent en ligne de compte : la qualité de vie, pour un médecin qui avant tout est un homme ou une femme, par ailleurs, en charge de famille, et qui à ce titre, recherche ce qu'il y a de mieux pour elle, notamment en terme de logement, de sécurité, d'accessibilité... Cela est tout à fait légitime, et nourri la réflexion de tout un chacun au moment d'opérer un choix, qui allie autant carrière et vie.

C'est dès lors, la question de l'attractivité des territoires qui est en cause, notamment concernant leur développement, leur aménagement, leur dynamisme ; une question éminemment politique qui engage les élus.
La problématique à Aubusson doit se poser, puisque la pénurie nous guette sous cinq à dix ans. Nous nous devons d'être prospectifs et ambitieux pour notre territoire.
D'où l'intérêt, pour ce qui nous concerne, de préserver nos établissements de proximité qui conjuguent différents atouts : diagnostics, traitement de l'aigüe et du chronique, fonction d'une offre qui doit être adaptée. Des atouts qu'il convient de voir comme inestimables sur un territoire comme le notre.

Cette dimension est un paramètre, mais pas le seul ; la question de la démographie médicale est plus vaste et ne peut s'apprécier que dans un contexte beaucoup plus large.

Les lourdeurs de procédures administratives harassantes face auxquelles nos médecins sont désarmés, sont un autre frein qui explique la déshérence de certains territoires, dans lesquels nos praticiens ne veulent pas se retrouver seuls.
Leur formation ne les prépare pas à cela, eux habitués désormais à travailler en équipe et en réseaux, sont en attente aujourd'hui d'un environnement structurel adapté aux contraintes de l'Administration (qu'il faudrait simplifier), à leur formation, garantissant la permanence des soins sur un territoire. Il est ainsi question d'un maillage essentiel à constituer.

Mais la crise qui secoue le domaine de la santé n'est pas relative qu'au seul problème des médecins. C'est tout un ensemble qui flageolle. Ainsi le ministère doit faire face à la fronde des infirmières qui dénoncent une dégradation de leurs conditions de travail, liée à une paupérisation des moyens mis en oeuvre, humains, techniques, technologiques, financiers, mettant en jeu la qualité des soins dispensés.
Face à de telles revendications, Marisol Touraine, en mal d'inspiration, n'oppose, en guise de réponse que la délégation de compétences dévolues au médecin pour l'infirmier. Un peu court tout de même.

Bref, c'est tout un système qui est en crise, une crise latente qui s'exprime aujourd'hui dans des proportions inquiétantes.
Halte au bricolage et aux décisions inadaptées ! Posons nous les vraies questions, en toute transparence et honnêteté.
C'est tout un système qui doit être remis à plat.

Interrogeons nous sur ce que nous voulons :
  • La continuité de la médecine libérale, ou la mise en place d'une médecine d'Etat ?
  • Cessons ce complexe de supériorité qui consiste à voir notre modèle de protection sociale comme le meilleur au monde ; c'est faux, et ce fantasme permanent a autorisé tous les excès et de nombreux abus. Remettons en jeu notre système pour le rendre plus efficient.
  • La mise en place d'un secteur conventionné unique pour réduire les inégalités ? La mise en place d'une tarification modulable en fonction du secteur géographique d'activité ?
  • Se pose également la question d'une véritable révolution culturelle à mener en France sur le sujet médical, avec une véritable éducation du patient à construire et dispenser quotidiennement ?
  • L'accent doit être mis dans la recherche et le développement de technologies modernes et efficaces, car l'investissement n'est pas un coût vain dans le temps, la valorisation d'un secteur d'activité ne peut s'apprécier qu'au regard des investissements consentis à la modernisation d'un outil de travail, passant par la Recherche et le Développement.
Autant de thèmes qui doivent constituer le socle d'une réflexion devant nous permettre de tirer les conclusions des limites de notre système, et jeter les bases d'un renouveau en la matière.
Evidemment, la tâche est ardue, et réclame plus que les atermoiements d'une Ministre et d'un Gouvernement qui ne prend peut être pas la mesure du problème ; un problème toujours remis à plus tard, qui exige l'absence de corporatisme, beaucoup de courage, et d'audace. Parce que le rôle du politique, c'est avant tout savoir maîtriser les réalités et anticiper l'avenir.
D'autres pays ont su relever ce défi, avec succès ; le Canada, la Finlande, Québec. Pourquoi pas nous ?

3 commentaires:

  1. Et si tout simplement la désertification médicale tenait au manque de médecins ?
    Un reportage télévisé récent nous apprend que dans le midi s'es crée une Fac ee médecine portugaise qui accueille des étudiants français ayant échoué deux fois,de justesse,au concours d'entrée en médecine de seconde année et qui peuvent ainsi poursuivre leur études pour l'obtention d'un diplôme étranger qui leur permettra ensuite d'exercer en France,ce qui existe déjà en Belgique pour les études de médecine et vétérinaire (de nombreux vétérinaires belges exercent en Creuse).
    Il est temps de supprimer ce concours d'entrée et de le remplacer par un simple examen,la moyenne suffira, et dans quelques annnées la France ne manquera pas de médecins,aussi compétents que ceux actuels,sinon les étudiants s'exileront pour faire leurs études.

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    1. On ne manque pas de medecins , a l'heure des 35 heures et des RTT les jeunes medecins n'ont pas envie de travailler comme leurs aines ,et ils ont raison ,apres 10 annees d'etudes pour les generalistes on peut aspirer a un certain confort de vie .... et les conjoints ? peut-on leur offrir un emploi ,et les enfants ?proposer un salaire minimum pendant deux ans ne resoudra rien.Ceci est la reflexion d'un creusois expatrie dans le maine et loire et pere d'une jeune medecin.

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    2. Le systéme de numerus clausus est aberrant et ne pourra être maintenu longtemps face aux pressions européennes, les 35 heures et les RTT n'ont rien à faire la dedans, si les Lois AUBRY étaient si mauvaises la droite n'a rien fait pendant 10 ans pour les supprimer et on comprend pourquoi car une grande majorité de salariés y tiennent.Il faudrait peut être revoir également les études de médecine car la longueur n'est pas obligatoirement signe de meilleure compétence.

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