Capitale mondiale de la tapisserie, Aubusson y trouve un prestige précieux, tant sur le plan identitaire que sur le plan de la renommée ; un avantage non négligeable dans sa traversée du temps et dans son adaptation aux évolutions qui y sont liées.
La question de l'essor d'Aubusson est absolument indissociable du poids de la tradition, un essor qui vit la ville de la sous préfecture de la Creuse devenir le poumon économique du département.
Ainsi, au début du XXème siècle, près de 2000 personnes travaillent dans les ateliers de tapisseries, dans les années 1940, on observe un regain de cette activité, sous l'impulsion de Jean Lurçat et Jean Picart Le Doux. Progressivement, cependant, cette activité devient un artisanat de grand luxe. Parallèlement, Aubusson concentre une activité industrielle de premier plan autour de grandes entreprises que sont Electrolux et Philips.
L'attractivité liée au prestige d'Aubusson n'était pas étrangère aux succès d'antan, cela en était une base essentielle ; en rien une finalité. Le mouvement permanent qui nous entoure incite et oblige à des remises en question fréquentes, à des adaptations tantôt conjoncturelles, tantôt structurelles pour faire face aux défis que présente l'avenir, et maintenir une dynamique. Pour cela il est nécessaire d'éprouver la capacité pour un territoire à savoir bien négocier des virages qui peuvent s'avérer décisifs.
Et, en quasi avant-première, Aubusson a dès lors subi de plein fouet la réorganisation du système productif en France. Aubusson, à la triste avant garde du phénomène de délocalisation, c'est le phénomène Philips dont la ville ne s'est, assurément, jamais remise. Le 09 Juin 1987, la direction annonçait la fermeture du site et mettait au chômage près de 300 personnes, pour un impact traumatisant non négligeable dans toute la population aubussonnaise. Le territoire payait cher et le coût de production sur le territoire français, et son isolement géographique. Le décloisonnement, thématique très à la mode à l'époque, sonnait là comme une évidence, mais n'était-il pas trop tard, pour une ville industrielle, de tradition, et commerçante, jouissant d'une histoire et d'une position stratégique intéressante, carrefour entre Limoges et Clermont Ferrand dans un sens, Ussel et Montluçon dans l'autre sens. L'Histoire s'est ainsi faite.
La désindustrialisation frappait la France et n'épargnait pas Aubusson sur qui plane toujours la menace d'un départ de la Sama Dito (Electrolux).
L'Histoire est capricieuse, et pour qui s'en veut l'héritier, ne doit pas trier en elle pour n'en extraire que ce qui arrange. Que cela plaise ou pas, le poids de l'Histoire s'assume. Chacun comprendra qu'il est facile pour un élu local de retenir dans cet héritage que les faits de gloire de quelques illustres prédécesseurs qui ont ceci de commun d'appartenir à la même faction politique, en oubliant que c'est sans doute grâce à l'extension de la Zone Industrielle du Mont, sous l'ère Pierre Henri Bos, qu'Electrolux a pu demeurer à Aubusson, un Pierre Henri Bos qui malheureusement, avait pour lui de ne pas être un maire de gauche ; pour autant, il est juste de rendre à César ce qui appartient à César.
Aubusson, traumatisé par la fermeture de Philips, englué dans des rivalités politico-partisanes stériles, accumulant un retard certain sur le plan structurel et infra-structurel, pris dans un développement à deux vitesses du département, s'est retrouvé entraîné dans une vague de décroissance urbaine aux manifestations multiples, tangibles et concrètes.
Dans une campagne, clairement identifiée comme fragile, la rupture causée par ce phénomène dans l'équilibre socio-économique du territoire s'est traduit par le dépeuplement de la ville, révélant ainsi l'incapacité du pouvoir à offrir les conditions du maintien des populations. Ainsi, Aubusson, plus de 5.000 habitants à l'époque, est passée sous la barre symbolique des 3.900 habitants lors de la publication des derniers chiffres.
Ce type de décroissance qui frappe nos territoires a des effets négatifs sur les populations, conduisant dès lors à une détérioration progressive des conditions de vie ; nous observons ainsi quotidiennement une dynamique régressive sur les plans démographique, économique et social.
Le diagnostic santé de notre territoire, rendu par l'ORS (Observatoire Régional de Santé) atteste parfaitement de cet état de fait, faisant d'Aubusson un territoire en souffrance, par ailleurs défavorisé. Tous les signes concrets d'un déclin qu'il serait fort malheureux de nier.
Ce déclin s'accompagne d'une perte de revenus, liée autant à l'absence de création de richesses, qu'à une érosion progressive du potentiel fiscal. Des revenus qui sont autant de ressources financières pour les administrations et autres services publics, ce qui compromet dès lors fortement les possibilités de contrecarrer les effets négatifs du phénomène de décroissance sur la population.
Les fermetures de classe et d'options pour nos établissements scolaires, et la précarisation de l'offre sanitaire sur laquelle plane la menace sont autant de phénomènes inhérents à cette problématique et qui constituent une réalité indiscutable du bassin aubussonnais.
L'optimisme béat de certains élus qui semblent se satisfaire de quelques charités dispensées ça et là, ne saurait masquer cette réalité dans laquelle est plongée Aubusson, ni tromper qui que ce soit sur les insuffisances qui ont précipité cette spirale.
Si ces mêmes élus voient dans leur action, un succès certain, l'honnêteté intellectuelle exige cependant de n'y voir qu'une efficacité relative, qu'un faute de mieux, qu'une limitation de casse, mais certainement pas de quoi vouloir jouer les cadors.
Trois critères sont conventionnellement retenus en matière de dynamisation d'un territoire :
- La croissance démographique qui compose un mouvement naturel qui rend compte de la vitalité d'un territoire, avec un solde migratoire qui exprime le degré d'attractivité d'une commune. A Aubusson, ce solde est négatif ; chacun jugera.
- La croissance de l'emploi, qui est un facteur puissant d'attraction et de fixation de la population, qui exprime le dynamisme des entreprises et celui des collectivités qui mettent en oeuvre les instruments de croissance. Nous concernant, quand le secteur sanitaire et social est le premier employeur d'une ville, des questions sont à se poser sur l'orientation que l'on entend donner à notre avenir.
- La présence d'équipements collectifs, financés par la collectivité, et qui offrent des conditions de vie comparable à celle des citadins (logement, écoles, santé...). No comment.
La vision doit toujours précéder les programmes.
La vérité est souvent bonne à dire lorsqu'elle éveille les consciences et mobilise les énergies. Pour cela, il est nécessaire de comprendre qu'Aubusson, tout en étant une ville éternelle, n'en demeure pas moins une ville mortelle.
Une observation:
RépondreSupprimerPierre Henri BOS a eu certes le mérite de faciliter le transfert de la DITO SAMA ELECTROLUX sur la Zone industrielle, mais cette zone industirelle avait été crée sous le mandat de Victor PAKOMOFF et j'en avais été le principal artisan la municipalité que je présidais l'a ensuite développée, ainsi que la zone d'habitation. Lors de l'installation de l'usine Electrolux dans la partie est, la partie ouest était déjà bien remplie notamment avec le CAT et d'autres entreprises.Ce qui est regrettable c'est que de 1989 à 1995 la municipalité ne s'y soit pas intéréssée.
En ce qui concerne le départ de Philipps l'enclavement (relatif) d'Aubusson n'y est pour rien,toute la fabrication d'une semaine partant dans un seul camion, voir deux !
Arrétons de politiser les municipales, je ne suis pas certain que cela profitera à ceux qui en auront la tentation.
Vous avez raison Robert,
RépondreSupprimerIl me semble par ailleurs que la Chambre Régionale des Comptes avait reconnu à l'époque que l'extension de la ZI avait sauvé les emplois d'Electrolux avec tout ce qui peut en découler.
C'est aussi un héritage qu'il n'est pas honteux de souligner.
Vous avez raison Robert, encore une fois, la politisation à l'extrême des débats municipaux ne saurait favoriser la nécessité d'un rassemblement large et apolitique pour notre collectivité, qui a besoin d'apaisement et d'unité, de dépasser les clivages imposés par les modes partisanes pour relever les défis de demain.
Vous-même, à l'époque, avait été la victime des bassesses du jeu politique.