mardi 2 avril 2013

La République souillée.

C'est un séisme qui frappe ce jour le monde politique français, un véritable coup dur pour la République, avec les aveux de l'ancien ministre du budget Jérôme Cahuzac, concernant la dotation d'un compte à l'étranger.Une affaire mise en lumière par Mediapart, et qui avait de quoi faire trembler le Gouvernement à l'heure où l'exemplarité et l'intégrité étaient prétendument de retour au plus niveau de l'Etat.
La moralisation de la vie publique avait été placée au coeur de la campagne présidentielle, et d'aucun voulait croire en davantage qu'un voeu pieux. Force est aujourd'hui de constater une certaine forme d'impuissance dans cet exercice, victime des excès compulsifs dont est capable l'humain.

C'est ici que tout a réellement commencé. Le ministre Cahuzac était clairement mis en cause par la presse indépendante dans une affaire de détention d'un compte bancaire à l'étranger (Suisse), clôturé, et dont les fonds auraient été transférés dans un Paradis Fiscale (Singapour) via un mécanisme bancaire complexe.
Des accusations graves, lourdes de responsabilités et de sens à l'heure de la rigueur et où l'on nous parle d'un juste effort national, équitablement réparti entre tous, focalisé sur le redressement des comptes publics.
La rigueur, un terme qui qualifiait un Jérôme Cahuzac autoritaire et reconnu comme inflexible en matière budgétaire ; il se voulait l'homme de la maîtrise, celui qui pourchassait la fraude fiscale, celui qui voulait mettre au pas les excès et autres dérives financières, celui qui voulait rationaliser la dépense publique, remettre de l'ordre dans un domaine exsangue où la France ne brille guère depuis des décennies, où elle est une des mauvaises élèves de l'Europe.

C'est pourquoi ces accusations étaient graves ; parce qu'avérées, elles pouvaient hautement porter atteinte à la crédibilité des discours, moralisateurs et engageants, distillés à l'attention de tous les français. Parce que l'on dit toujours que l'exemple vient de haut, il était nécessaire de ne pas pouvoir mettre en doute la probité de ceux qui déclament.

La réaction de Jérôme Cahuzac, tempétueux et ferme devant l'Assemblée Nationale, niant avec force détenir le moindre compte bancaire à l'étranger, nous renvoya l'image d'un homme bafoué dans son honneur, d'un représentant de l'Etat Vertueux touché par la suspicion. Le ministre clamait haut et fort son innocence.
La surenchère émotionnelle n'autorisait aucune excuse aux yeux du grand public, désireux d'une République enfin exemplaire, elle, dont les valeurs furent tellement mises à mal lors du précédent quinquennat.
Les Français, déjà défiants à l'égard du pouvoir politique ne sauraient pardonner une confiance à nouveau trahie après tant d'espoirs suscités.



Et pourtant, l'ouverture d'une information judiciaire par le parquet de Paris pour blanchiment de fraude fiscale n'augurait rien de bon, contraignant Cahuzac à la démission, ce dernier réaffirmant toutefois son innocence. Le mythe était chancelant, les soutiens n'étant plus que de forme.

Et puis arrive ce 02 Avril 2013, qui voit tomber les masques, Cahuzac passant aux aveux et reconnaissant l'existence d'un compte en suisse détenant 600.000 €.
Ce qui semblait du panache se transforme alors en arrogance du fait du mensonge.

Ne nous y trompons pas, cette nouvelle affaire porte un coup très dur à une République qui voit sa vertu souillée. En effet, ce n'est pas tant le fait de posséder un compte à l'étranger qui heurte les sensibilités démocrates et républicaines, ceci relevant au final de l'accessoire ; c'est bien davantage le mensonge affirmé et assuré, fait devant la représentation nationale, donc indirectement, proféré devant le peuple français, regardé "les yeux dans les yeux."

L'exemplarité doit être de mise pour quiconque est élu ou tiens des responsabilités politiques à l'égard d'une collectivité ou d'un Etat.
Or, ce mensonge souille la république et tend à creuser le désamour entre un peuple en perte de confiance, et une classe politique qui n'en finit pas de décevoir. Car si Jérôme Cahuzac jette assurément le discrédit sur lui-même, sur son action et sur le Gouvernement, s'il symbolise parfaitement cette Gauche arrogante et pédante qui entendait donner des leçons au monde entier en terme d'exemplarité, la Droite, qui a tant maltraité notre République, aurait bien tord de jouer les scandalisées.

L'image qui ressort, à l'heure où la France se trouve en 22ème position au classement mondial des pays frappés par la corruption, c'est celle d'une République prompte à juger, et qui est elle-même souillée par des élites corrompues qui bafouent l'honneur de notre pays, et les valeurs qui lui sont attachées. C'est assurément une vraie déception pour chacun, et un camouflet direct pour celui qui entendait imposer une austérité difficile à supporter à notre peuple, tout en ayant le souci de se soustraire lui-même à une fiscalité asphyxiante. C'est le comble de l'histoire.

C'est le doute et la suspicion qui frappent nécessairement l'Etat dont les nouveaux représentants prétendaient moraliser la vie publique, et qui n'avait vraiment pas besoin de cela au moment où l'unité de notre pays dans la crise est si importante à mobiliser. Avec un mensonge qui tient en quelques mots c'est un équilibre déjà bien fragile qui vacille. Le parjure est un véritable attentat à l'encontre de la Démocratie, qui incite les citoyens à se poser la pire des questions : Combien de Cahuzac sommeillent en nos politiques ?
Preuve s'il en est, qu'en politique, encore plus qu'ailleurs, la vérité est primordiale.

3 commentaires:

  1. D'accord sur la nécessaire moralisation de la vie publique mais de grâce évitons les grands mots comme celui de "parjure" qui vient du Droit canon et qui a une connotation religieuse qui n'a plus cours depuis 1789, la République a été trompée mais elle n'est pas "souillée" elle en a vu d'autres en 200 ans d'histoire; Une bonne réforme consitutionnelle est plus que jamais nécéssaire.

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  2. Robert,

    Rappelez vous, lorsque récemment je vous interpellais sur l'interprétation des mots en droit.

    Le mot parjure n'est en rien usurpé concernant Jérôme Cahuzac, car désignant le fait de violer un serment face à une autorité publique. Le parjure est ainsi un mensonge, tel que reconnu par la science criminelle.

    Jérôme Cahuzac s'est exprimé en mentant sciemment à la représentation nationale, nécessairement sacrée, car expression du peuple français.

    La République, dont le socle est la Constitution, dont je vous accorde qu'elle doit être révisée, est par essence vertueuse. Si elle est violée par le parjure, je l'estime souillée.

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  3. Messieurs,

    Je trouve étrange que l'on considère la représentation nationale ou autrement dit l'Assemblée Nationale comme un lieu, un espace sacré.
    Il faudrait qu'elle ait été sacralisé au nom de qui ? d'un être divin ? Ce qui parait tout à fait impossible puisque ce lieu ne peut être qu’athée, laïque depuis la séparation de l'église et de l’État. En conséquence je suis d'accord qu'il ne peut être employé le mot "parjure", le caractère sacré ne pouvant être évoqué.

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