mercredi 21 août 2013

Entre symboles et pragmatisme politique.

La fin de l'Eté qui se fait plus précise annonce la rentrée pour tous, élèves, travailleurs, et bien sûr politiques. C'est le temps des petites phrases et des postures qui s'affirment après une année qui a vu les tensions politiques s'exacerber sur le plan idéologique au point de violemment bipolariser l'opinion. Au cours d'un Eté que nos gouvernants ont voulu présenter comme studieux, une personnalité s'est clairement détachée du lot, par sa présence, par sa communication, par ses prises de positions qui, incontestablement, troublent l'équilibre traditionnel des idéologies classiques, et bouleversent l'échiquier des valeurs fondatrices des identités partisanes, si habiles à se les approprier.
Le Ministre de l'intérieur, Manuel Valls suscite ainsi autant la controverse que la popularité, ce que confirme sa première place au classement des ministres préférés des français.
Pourtant, ce dernier n'en est pas à son coup d'essai, tant dans le passé on lui a reproché des postures plutôt droitières, à contre-courant de la pensée socialiste traditionnelle, et qui apparaissent pour certains, comme des reniements qui perdent notamment les militants.
Difficile à décrypter, à faire la part des choses, entre réelle conviction, stratégie politicienne ou révolution idéologique.
"La poussée démographique, notamment africaine va obliger la France a revoir sa politique migratoire d'ici dix ans".
"La question du regroupement familial pourrait être revue".
"Nous devons être capable de faire mieux en dépensant moins".
Des phrases dont d'aucun dirait qu'elles ont été prononcées par des responsables politiques de Droite, sur des thèmes qui lui sont traditionnellement dévolus par l'inconscient collectif. C'est le grand mal français que d'imbriquer des thèmes dans des cases et de créer des amalgames : la générosité est forcément de Gauche, quand l'ordre et l'autorité se voudraient exclusivement de Droite ; c'est le signe d'une société fermée qui ne se remet pas en cause, qui campe sur ses positions, brandies comme des certitudes, et qui se complaît dans ses schémas pré-établis, dans ses lourdeurs et autres pesanteurs sans chercher à vouloir en sortir. Immobilisme et monolithisme sont les signes crédibles et concrets du déclin qui nous frappe.

Car, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, ces phrases ont chacune était prononcée par des responsables de Gauche, Manuel Valls pour les deux premières, et le Président François Hollande, pour la dernière. Inconcevable pour les tenants d'une ligne dite traditionnelle.
Crime idéologique contre l'idée même de ce qu'est la Gauche. On hésite alors pas à fustiger un ministre qui chasse sur les terres du FN, un Président qui pratique une politique de Droite. Jean-Luc Mélenchon, se voulant le porte-parole de la vraie Gauche, celle que le PS a éhontément cocufiée en 2012, s'est prononcé de façon très crue, dans son style caractéristique, sur l'un comme sur l'autre, n'obtenant en retour que le mépris hautain de socialistes l'accusant de refuser l'union de la Gauche, si nécessaire... Electoralement s'entend.

Quoi qu'il en soit, et en dépit des attitudes démagogiques, flirtant avec le populisme, propres à Mélenchon, auquel on peut reprocher beaucoup de choses, il n'est pas anormal de s'interroger sur ces prises de position qui rompent avec les dogmes conventionnels. S'interroger est essentiel, avant de dénoncer comme le fait le leader du Front de Gauche.

Une réflexion est en effet à mener sur ce phénomène, qui progressivement prend de l'ampleur et qui pose la question des différences entre les politiques menées par la Gauche ou la Droite à l'heure où les nations sont
de plus en plus dépendantes des desiderata de Bruxelles.
Quelle différence de fond entre la MAP de François Hollande et la RGPP de Nicolas Sarkozy, chacune allant vers l'optimisation de l'efficacité du service public, visant à faire mieux en dépensant moins ?
Que penser d'un député qui remet en question la re-fiscalisation des heures supplémentaires, symbole des années Sarkozy qu'il fallait abroger dès l'entrée en fonction ? Que penser d'une TVA sociale si critiquée, et aujourd'hui prête à ressortir des cartons ?
Que penser d'un ministre qui remet en question le regroupement familial ? Que penser de l'immobilisme structurel qui paralyse notre pays, de la tétanie ambiante qui empêche toute réforme profonde, d'envergure à changer un fonctionnement à bout de souffle, un modèle prétendument envié de tous, mais copié nulle part ?
En fin de compte, Droite-Gauche, blanc bonnet et bonnet blanc ? La fracture Droite-Gauche est-elle pertinente ?
Toutes ces interrogations renvoient évidemment aux élections de 2012, durant lesquelles les socialistes ont joué leurs élections sur un symbole : libérer le pays d'un Sarkozysme honteux et oppresseur, rompre avec cette Droite conservatrice, austère, qui accable les petits et privilégie les gros. Les clichés ont été tenaces lors de ces élections où l'on a voulu ériger le principe de rupture pour justifier "le changement", permettant d'éviter, dans cette période critique, de poser les débats qui pourraient fâcher l'opinion, et qui aujourd'hui enflamme l'extrême gauche, et qui jette un froid au sein du peuple de Gauche.

Manuel Valls est le symbole de ce questionnement qui perturbe tant l'équilibre routinier de notre vie politique, et qui suscite autant de commentaires de part et d'autre. Tantôt accusé de dérives outrancières posant problème, d'opportunisme électoral en vue de se positionner pour les échéances de 2017 (déjà...), de caution de Droite pour une Gauche souvent accusée de laxisme en matière de sécurité... Les accusations sont nombreuses et variées. Et il y a peut-être un peu de vrai pour chacune d'entre elles, assurément dérangeantes.
Toutefois, il serait faux d'imaginer cette conversion comme récente, Manuel Valls ayant cette image d'homme de Droite qui lui colle à la peau depuis longtemps, avec des positions à contre-courant de la ligne séculaire tenue par le PS, avec le souci de faire bouger les lignes et de sortir des poncifs, pour enraciner une nouvelle conception de Gauche qui s'émanciperait de son passé, du poids de l'histoire et des traditions. Social-démocrate assumé, il écrivit notamment un ouvrage en 2008 sur la question : "Pour en finir avec le vieux socialisme", dans lequel il militait pour bannir le mot socialisme, barrière culturelle, dans l'intérêt du Parti.

Le ministre de l'intérieur, qui réfute  l'idée d'être de Droite (par effet de mode), se revendiquant clairement de Gauche, rêve d'une (r)évolution idéologique pour son Parti pour pouvoir s'approprier des thèmes que le dogmatisme ne lui permet pas de traiter comme il l'aimerait ; pour voir son Parti élargir ses horizons, en occupant une position toujours plus centrale tout en pouvant garder le fait d'être de Gauche, marqueur populaire sur le plan électoral, et marginaliser, en quelque sorte la Droite, toujours plus refermée sur elle-même... Sauf que justement, dans le même temps, voici l'UMP qui veut se lancer dans un devoir d'inventaire qui ressemble à une sorte d'examen de conscience, ou d'acte de contrition visant à faire amende honorable des excès du Sarkozysme et se racheter comme une virginité. Réelle conviction idéologique ou stratégie électoraliste ? A voir, difficile à dire...

Quoi qu'il en soit Manuel Valls entend bien incarner une Gauche nouvelle et moderne, qui  veut gommer ses faiblesses originelles, liées à son héritage idéologique, qui veut assumer sans crainte ni tabou, toutes les questions ; une sorte de Gauche décomplexée.

Sauf que cela agace les conservatismes, et déplaît au fidèle peuple de Gauche, déjà passablement déçue par une politique dans laquelle il a du mal à se reconnaître et s'identifier, et qui a du mal à se retrouver sur de telles lignes. Le tollé suscité par les prises de positions de Manuel Valls, auprès des électeurs traditionnels, plus conformistes, ont conduit, par un vieux réflexe, à un recadrage des débats : ainsi, il n'est soudainement plus question de remettre en cause le regroupement familial... Bref, parce qu'il faut bien du courage pour faire bouger les lignes, la Gauche nouvelle attendra encore...

2 commentaires:

  1. Le décideur en fin de compte sera François Hollande,je trouve que ces discussions sont saines en démocratie ce serait l'absence de discussion qui serait anormale par contre la décision finale appartient dans ce régime au Président de la République.
    Sur les sujets que vous évoquez:
    -Manuel Valls joue le rôle traditionnel des ministres de l'Intérieur: assurer la sécurité par une police efficace qui arrête les délinquants,quant à Chritiane Taubira elle est Garde des Sceaux et a le souçi elle d'une justice efficace et de la gestion des prisons qui est catastrophique avec beaucoup de détenus qui n'ont rien à y faire.
    -Concernant la défiscalistation des heures supplémentaire je ne suis pas partisan de la rétablir car cette mesure est absurde et d'une légalité douteuse car elle rompt l'égalité des français devant l'impôt.
    Le problème n'est pas de mener une politiuq de gauche ou de droite,c'est de mener une politique efficace et réaliste, ce qui a manqué à la France pendant 10 ans.

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  2. Bien sûr que les discussions sont saines en Démocratie, elles sont essentielles pour avancer, c'est le signe d'une société de progrès. Simplement si un sujet de ce type est abordé par la Droite, elle est taxée de fascisme, quant à la Gauche, si elle s'y risque, elle se met en porte à faux avec sa tradition dogmatique. C'est cela qui paralyse un pays.

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