Nicolas Sarkozy devait être le Président du pouvoir d'achat. Ce fut loin, très loin d'être le cas. Cette question était au coeur de la campagne présidentielle, fut la source d'engagements précis du candidat Hollande, et de la nouvelle majorité socialiste. Convaincus par tant de promesses, visant notamment à l'amélioration des conditions de vie, les français, particulièrement les plus modestes, nourrissent dès lors d'énormes attentes sur le sujet.
Pour l'inconscient collectif, il est important de traduire ces déclarations d'intention par des actes. Symboliques au premier chef ; car la politique se nourrit de symboles à défaut de concret. C'est ainsi que le premier acte du Gouvernement Ayrault fut de baisser la rémunération des ministres et du chef de l'Etat. Un coup politique qui permet d'affirmer l'état de grâce et la confiance dont jouit la nouvelle majorité.
Mais si le symbole contente dans un premier temps, il doit être suivi d'actes concrets que la population doit ressentir.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement a décidé de revaloriser le SMIC à hauteur de 2 %
Réponse à ce flot d'espérances né des discours grandiloquents prononcés au printemps dernier, le SMIC sera augmenté. Pas dans les proportions qu'avaient imaginées les plus convaincus, ni non plus par les plus radicaux, comme Jean-Luc Mélenchon, qui parlait lui d'une hausse de près de 15 %...
Cette revalorisation est politique, mais également prudente et modérée. Pour autant, est-elle pertinente ?
On comprendra volontiers que cette initiative procède d'une bonne intention, généreuse, qui tend à vouloir permettre aux salariés les moins rémunérés de bénéficier d'un pouvoir d'achat supérieur en ces temps difficiles. Cela relevant de l'idée que la croissance peut-être relancée par la consommation... Voilà pour l'intention. Maintenant, il y a...la réalité.
Première illusion (et première déception), la hausse réelle s'élève en fait à 0,6 %, les 1,4 % restants étant en vérité le fruit de l'anticipation de la revalorisation qui aurait été actée en Janvier 2013, liée à l'inflation.
Un peu plus de 2 millions de salariés sont concernés par ce coup de pouce de l'ordre de 22 € nets par mois pour un temps complet. Nécessité politique à l'évidence, mais véritable hérésie économique !
Au delà de la déception liée à un effort nécessairement perçu comme trop faible au regard des effets d'annonce, il convient de signaler les risques encourus, composant une hypothèse envisageable pour notre tissu de PME.
Un réseau fragile qui constitue une des faiblesses de l'économie française, en mal de dynamisme et de productivité. La proportion la plus importante des "smicards" travaille en effet en PME ; dès lors l'équation à résoudre et la suivante : comment préserver la compétitivité de ces entreprises tout en permettant aux salariés de jouir d'un pouvoir d'achat plus avantageux ?
La hausse du SMIC telle qu'envisagée, consiste en un alourdissement des charges pour des entreprises dont les marges sont actuellement infimes. A tel point que la CGPME envisage très sérieusement, à terme, des destructions d'emplois, et un frein réel aux perspectives d'embauche, liés à cette augmentation.
Francis Kramarz, économiste, directeur du Centre de Recherche en Economie et Statistique, valide cette idée, chiffrant à 1,5 % les emplois détruits, situés au salaire minimum, par tranche de 1 % de hausse; cela représentant concrètement entre 15.000 et 25.000 emplois supprimés.
Dès lors augmenter le SMIC dans nos conditions de crise ne permet pas de lutter contre la pauvreté (volonté profonde), mais précarise davantage l'économie nationale.
Et que dire du coût induit pour l'Etat, lui même obligé de s'ajuster pour ses agents rémunérés sur la base du salaire minimum. Pour 2 %, cela représente 2 milliards d'Euros de dépenses supplémentaires dans un contexte de réduction des déficits et de maîtrise budgétaire....
En filigrane de cette problématique, se pose la question du salaire minimum qui vise à garantir un seuil de revenu en dessous duquel il n'est pas possible de descendre pour le salarié. Les plus libéraux diront qu'il constitue un frein au travail et à la productivité. En réalité, il limite les abus, l'exploitation du salarié, fixe le seuil d'une certaine justice, d'une cohésion sociale.C'est une des composantes du modèle dit "français". Toutefois, il est nécessaire que l'ensemble de salaires suive une courbe ascendante en fonction de la hausse des prix, car sinon il y aurait de plus en plus de travailleurs au SMIC...
Le contexte économique actuel ne permet cependant pas une hausse exponentielle et généralisée des salaires.
En effet, dans le cas précis c'est le coût du travail qui va être alourdi par cette augmentation qui va à l'encontre même de la notion de croissance. Cette augmentation du SMIC, pour hautement symbolique qu'elle soit, ne résout rien en réalité, mais elle tend à laisser penser qu'elle le fait.
Le concret réel que les français attendent, c'est une relance de la production française, une relance de la production de richesse (le redressement productif comme ils disent) dans notre pays, seul susceptible de pouvoir permettre une élévation du niveau de vie global, et cela passe essentiellement par des réformes d'ordre structurel... Affaire à suivre.
Le probléme principal des PME en France n'est pas le coût salarial mais le fait que nombre de ces entrerprises ne sont pas sur le bon créneau et n'ont pas fait les investissements nécessaires. Ce qui fait la force de l'économie allemande c'est son réseau de PME performantes et efficaces.
RépondreSupprimerEn ce qui concerne le SMIC il est amusant de voir nos soi-disant économistes (qui se sont toujours trompés) prétendre que la hausse trés modérée décidée par le Gouvernement entrainera une augmentation du chômage car ce serait la preuve que nos PME ne sont plus rentables et appelés à disparaitre.
Je constate que même au Centre droit que JL BORLOO a eu la bonne idée de reconstituer certains parlementaires ne sont pas en désaccord avec cette mesure.
La relance économique demandera de gros efforts d'investissement, de modernisation, mais elle nécessitera également une relance de la consommation car actuellement les ménages les plus modestes se contentent de survivre et ne consomment que le strict minimum.
Robert,
RépondreSupprimerPlusieurs facteurs expliquent la qualité des PME allemandes : oui pour le dynamisme,l'innovation, l'investissement (quand on en a les moyens).
N'oubliez pas également la souplesse salariale ; en Allemagne il n'y a pas de salaire minimum interprofessionnel, mais un minimum par branche professionnelle, négocié entre les organisations syndicales (employeurs et salariés), ce qui explique la souplesse de ce système. Cela est-il culturellement transposable à la France ? C'est peut-être une piste des efforts à concéder pour retrouver une marge de compétitivité ?
Les études de Francis Kramarz sur le SMIC ne sont contestées par aucun spécialiste.
Enfin, nous noterons, que ni les syndicats, ni les patrons ne sont satisfaits par cette mesure. Une même déception, mais pour des raisons très différentes. Comment l'expliquer ?
L'insatisfaction de ceux qui trouvent que le SMIC augmente trop et les autres pas assez est la preuve que le Gouvernement entend mener une politique équilibrée,je dirais "centriste",quant aux économistes la preuve de leur incompétence a été faite par la crise qu'ils n'ont pas vu venir et à laquelle ils sont dans l'incapacité de trouver des remédes.
SupprimerJe crois que la solution est essentiellement politique,la politique devant s'imposer à l'économie et aux milieux financiers et non le contraire.
Robert,
RépondreSupprimerPeut-on parler de politique équilibrée lorsque c'est l'insatisfaction qui domine, entre vive déception et franche inquiétude ?
Les mots rigueur et effort sont plus nombreux maintenant qu'il n'y a trois mois, où l'on vendait beaucoup de rêve...
Quand au rôle du politique dans la sphère économique, a-t-il les moyens d'une influence à l'heure de la mondialisation ?