lundi 18 mars 2013

Interview au Journal la Montagne.

Suite aux événements relatifs aux profondes mutations dans le domaine de la santé sur le territoire sud creusois, j'ai accordé un entretien au quotidien La Montagne, pour y exprimer mes craintes quand à l'avenir de l'offre de soins, qui peut conditionner l'avenir même du territoire.
Je vous propose de retrouver cet entretien en intégralité.

Mathieu Charvillat travaille au service radiologie de la Clinique de la Croix Blanche. Il est également administrateur de l'association qui gère l'établissement. Il considère que "la santé n'a pas de prix" et que cette évidence est aujourd'hui remise en cause par "le pragmatisme comptable, peu soucieux de l'équilibre sanitaire, social et humain d'un territoire."
Il se réjouit toutefois des efforts de l'ARS pour garantir les emplois.*

Au soir de cette journée marathon de Lundi qui a vu la Clinique être reprise par le secteur public, comment réagissez-vous ?
Je m'interroge. Comment peut-on garantir le maintien d'une offre de soins équivalente alors que l'on passe de 5 jours de chirurgie permanente pour 20 lits disponibles à 3 jours de chirurgie ambulatoire pour 5 lits ?
Ne fait-on pas, là, face à un maintien artificiel, sinon symbolique ? L'offre existante jusqu'ici, déjà minimaliste devait servir de socle sur lequel chacun était conscient qu'il fallait s'appuyer pour restructurer la chirurgie sur Aubusson.
Or, ici, on retire de sa substance à ladite activité au travers de l'arrêt de la chirurgie orthopédique et traumatologique.

De quelle manière, le service des Urgences, dont l'ARS a annoncé le renforcement, fonctionnera-t-il ?
Je pense que le service des Urgences ne saura répondre localement à l'urgence chirurgicale, qui devra, en conséquence, être traitée hors de ses murs après les premiers soins apportés au patient... à la condition que le patient ne soit pas, dès le départ, orienté vers le CH de Guéret, qui, dès lors, centralisera toute l'offre chirurgicale sur le Département. C'est une lourde responsabilité pour une population de 125.000 habitants très disséminés.
Nous touchons là aux limites d'un système qui aurait voulu associer à la notion de santé, celle de rentabilité et de productivité, au risque de remettre en cause le principe de l'égalité des chances et du droit dévolu à chacun de l'accès  équitable aux soins.

Philippe Calmette, le directeur de l'ARS, a affirmé avant hier, sa volonté de répondre aux attentes de la population et d'éviter la fuite des patients vers les départements voisins. Pensez-vous que la Croix Blanche soit en mesure d'atteindre cet objectif après le 1er Juin ?
Comment peut-on prétendre vouloir fidéliser les patients sur le département avec une offre aussi exsangue et un choix si limité ?
Ne va-t-on pas plutôt accentuer la fuite des patients vers les départements limitrophes ? La sécurisation de l'ensemble du territoire sera-t-elle assurée ? Autant de questions que je me pose.

L'ARS a pris, Lundi, les exemples de Saint Yrieix la Perche et de Saint Junien où des dispositifs similaires à celui annoncé à Aubusson semblent fonctionner avec succès. Pourquoi n'en serait-il pas de même ici ?   
Ces deux cas ne peuvent être comparables à la problématique d'Aubusson, en raison de différences structurelles majeures. Ces deux villes de la Haute Vienne sont irrigués par des voies de communication de qualité et se trouvent à une distance raisonnable d'une métropole régionale.
Aubusson est enclavé sur un vaste territoire où l'habitat est isolé.
La problématique est différente en ce sens que nous sommes sur un territoire où les équilibres sont fragiles, un territoire en souffrance où vivent des personnes souvent âgées sur un tissu socio-économique précaire.

La Croix Blanche restera-t-elle un élément structurant du Sud de la Creuse ?
On vide un territoire, sans le dire, de l'un de ses éléments structurants. La perte de cette activité pose un réel problème d'aménagement du territoire, en terme d'attractivité.
Cela revient à dire que si la santé n'a pas de prix, elle a un coût, et que du moment où on lui donne un prix, on prend le risque d'en payer un lourd tribut.  


* Il est important de demeurer attentif au sort réservé aux salariés de l'établissement, pour lesquels la vigilance est de mise.

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