C'est toute la problématique des difficultés rencontrées localement par la Clinique de la Croix Blanche, et par de nombreux autres établissements, dits, de proximité, et qui, quotidiennement, rendent pourtant de fiers services à la communauté.
Plus largement, c'est l'évolution sociétale de notre conception même de ce que doit être la santé qui est l'enjeu de ce débat type. C'est au delà même de cela, la question du Destin et de l'avenir de nos territoires ruraux qui est en cause, puisque souvent conditionné par l'existence et la présence d'outils structurants.
Nous rappellerons en préambule que les problèmes de santé touchent de façon disproportionnée les populations les plus fragiles, les plus vulnérables. A ce titre, Aubusson a été cité par l'ORS comme un territoire fragile, parce qu'en souffrance, son diagnostic santé y est préoccupant. Pour ma part, inlassablement, depuis quatre ans, je pointe régulièrement la fragilité de notre tissu sanitaire, redoutant une paupérisation de notre offre de soins, relativement à des données purement économiques, qui méprennent la réalité sociale, particulièrement éloquente de notre territoire.
Dès lors, n'oublions pas certaines bases essentielles à poser au débat, particulièrement quand la Constitution de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) consacre comme le droit fondamental reconnu à chaque être humain de posséder le meilleur état de santé qu'il est possible d'atteindre.
Ne nous méprenons pas sur le sens profond de cette phrase qui n'entend pour chacun le droit d'être en bonne santé, mais celui de disposer des moyens nécessaires pour tâcher de l'être.
La défense du Droit à la Santé pour tous est donc tout à la fois utile et nécessaire.
Partant de ce postulat, il appartient donc à la puissance publique, sous une forme, ou sous une autre, de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à cette accessibilité aux soins, sans discrimination aucune, dans le respect des équilibres territoriaux, du droit dévolu à chacun d'un accès aux soins qui soit juste, équitable, au nom du principe de l'égalité des chances.
La France, pays historiquement reconnu pour la noblesse de ses combats, n'a jamais fait l'économie de ses forces lorsqu'il s'agit de défendre une bonne cause. C'est animés de cet état d'esprit et de ces valeurs, que les creusois ont emballé le dossier de la Radiothérapie, jusqu'à faire plier l'Etat sur ce sujet.
La question que l'on évoque aujourd'hui est au moins aussi importante ; elle exige une mise à plat du contexte et une vision prospective pour bien saisir les différents enjeux qu'elle suppose.
- L'offre de soins à Aubusson, pour le Sud Creusois.
Fort d'une telle offre, le Sud Creusois peut s'estimer convenablement pourvu, même si les équilibres sont fragiles, et les besoins toujours plus importants. La faute à un habitat dispersé sur un territoire vaste, à un tissu socio-économique fragile à une démographie loin d'être galopante, à une démographie médicale inquiétante. La présence d'un SMUR sur le territoire, pour lequel je milite depuis longtemps se révèlera rapidement comme une évidence pour la prise en charge et l'orientation des patients.
Cette offre a le mérite d'être structurante pour notre territoire, de rassurer nos populations.
- Clinique de la Croix Blanche : Privée ou Publique ?
Un débat indigne, non avenu, hors de propos, et très dangereux. C'est un abus de langage qui va au delà de la simple maladresse verbale. Parler d'un établissement privé trompe la population sur la mission de la Clinique fondée par Jean Mazetier.
La Clinique de la Croix Blanche n'est pas un établissement privé ! C'est un établissement PSPH (Particpant au Service Public Hospitalier), géré par une Association à but non lucratif !
Institution locale, elle répond dès lors à des missions d'intérêt général qui relèvent du service public.
Il n'est donc pas illégitime, ni infondé de parler de Service Public Associatif concernant la Clinique. Ne pas reconnaître publiquement les missions remplies par l'établissement qui a toujours tenu ses engagements à l'égard du territoire et de sa population sonne d'ores et déjà comme une insulte à l'attention de tous les professionnels qui y travaillent avec dévouement, mais qui n'ont pas la dénomination d'agent hospitalier... Un problème exclusivement idéologique. C'est dès lors bien mal reconnaître la qualité de l'engagement et la disponibilité des salariés de la Croix Blanche. Une forme d'ingratitude teintée d'un mépris dogmatique pour le moins indécent.
Ce type de considérations ne permet pas une juste compréhension du débat et des enjeux qui y sont relatifs, n'ajoutant que du flou à l'incompréhension. Tout cela pour dire qu'en matière de santé, il n'est pas de place ni pour les idéologies passéistes, ni pour les considérations d'ordre politique, tant nous sommes sur un sujet humaniste qui appelle à dépasser les clivages.
- De la question des moyens à l'objectif de rentabilité : le phénomène T2a (Tarification A l'Activité).
A ce titre la réforme hospitalière du Plan Hôpital 2007 a instauré un nouveau mode de financement des établissements de santé, publics ou privés, en un cadre unique de facturation et de paiement des activités hospitalières.
Ainsi, l'allocation de ressources est fondée à la fois sur la nature, mais aussi le volume d'activité. C'est un changement complet de conception qui apparaît au grand jour : à la logique de moyens succède désormais une logique de résultat. Le critère de rentabilité et la logique de productivité prennent dès lors toute leur place dans le cadre de l'offre de soins.
- Les conséquences perverses de T2a.
Or, pour maintenir son budget, un établissement de ce type se doit d'avoir une activité cotable importante. Nous touchons là à la terrible controverse qui frappe le système T2a : les établissements doivent fournir plus de qualité de soins, de sécurité, avec davantage de contraintes budgétaires. Bien loin du concept d'optimisation, voici la terrible maxime Sarkozyste qui consiste à faire plus avec moins...
- Des difficultés structurelles évidentes.
Une grande partie des difficultés de la Clinique de la Croix Blanche repose ici dans l' incapacité à générer des recettes suffisamment importantes pour répondre aux impératifs budgétaires. Or la revalorisation à la baisse des actes T2a font que même dans le cadre d'une activité en légère hausse, on ne génère pas davantage de rentrées : on travaille plus tout en gagnant moins.
L'amélioration de la situation financière passe donc par l'économie, en matériel, en contraction de personnel, pour une qualité qui doit toujours être meilleure.
A ce titre, il est à souligner et reconnaître l'engagement sans faille d'un personnel, injustement décrié publiquement, exemplaire de persévérance et de courage, oeuvrant dans des conditions difficiles, tant psychologiquement, que physiquement, que professionnellement.
J'ai personnellement pu observer des soignants, pourtant en souffrance, ne jamais baisser les bras, ni se soustraire à leurs engagements à l'égard des patients, faire de nombreux sacrifices, personnels, financiers pour assurer la permanence des soins et la continuité des prises en charge. Le tout avec une pudeur qui force admiration et respect.
Ces soignants ont droit au respect de leur dignité et à la reconnaissance de leur action à l'égard de la collectivité.
- Quel avenir ?
Soyons conscient d'une chose : l'offre actuellement proposée est minimaliste ; elle doit se diversifier pour être renforcée, elle exige le concours de chacun, professionnels, population...
La cession des autorisations sanitaires ne saurait se faire à n'importe quel prix ; la reprise des activités ne saurait être menée de façon cavalière et irrespectueuse, car on touche là au bien public quoiqu'en pensent certains.
Sur son blog, Robert Petit, membre du Conseil de Surveillance du Centre Hospitalier d'Aubusson esquisse un schéma qui verrait le maintien d'un service d'Urgences "performant" (il l'est déjà), d'un pôle d'Imagerie Médicale avec scanner (les services de la Clinique ont depuis longtemps monté le dossier d'exploitation d'un tomodensitomètre, déclaré complet par les tutelles...), sous l'égide du CH du Mont, d'un service de chirurgie ambulatoire, la chirurgie programmée rentrant dans le giron de l'Hôpital de Guéret.
Un tel schéma amène à se poser de nombreuses questions, mais plus encore, à faire le constat d'une paupérisation de l'offre de soins, particulièrement concernant la chirurgie, où le maintien d'une activité ambulatoire (sous couvert du CH de Guéret) limitée ne constitue qu'un artifice qui ne serait qu'une charité, provisoire.
Ce serait donc, à terme et sans le dire, la disparition de l'activité chirurgicale qui se profile à l'horizon pour le secteur d'Aubusson. Une disparition qui ne serait pas sans conséquence pour le territoire.
Sous quelle forme va-t-on organiser le service des Urgences, fort en théorie de six infirmiers et de six aides-soignants, mais qui fonctionne en réalité avec 4,66 infirmiers et cinq aides-soignants... L'augmentation de la fréquentation de ce service, qui a trouvé son équilibre, est de l'ordre de 25 % depuis son ouverture, pour une moyenne approximative de 14 passages par jour pour un médecin, en prouve la nécessité. L'absence de chirurgie sur site ne va-t-elle pas agir comme un repoussoir pour les patients ? L'orientation par le SAMU de patients nécessitant une prise en charge chirurgicale ne va-t-elle pas se faire au détriment d'Aubusson, directement en faveur du CH de Guéret qui centralisera toute l'offre chirurgicale du département ! Aubusson, et tout son pourtour, jusqu'à la Haute Combraille, perdrait donc son autonomie médicale au profit du chef lieu de département. Ne va-t-on pas accentuer le risque de fuites hors du département des patients ? La sécurité sanitaire sera-t-elle amplement assurée ? L'hôpital de Guéret saura-t-il faire face à un regain d'activités en provenance du Sud Creusois, qui, à coup sûr améliorera sa T2a ? Quelle liberté de choix pour les patients quant à l'offre départementale ?
Si l'activité du service des Urgences venait à baisser, ce service serait-il maintenu en l'état, ou sacrifié sur l'autel de la bonne gestion bureaucratique, au détriment de l'intérêt des patients ? Il est si facile, pour qui ne vit pas sur notre territoire, de faire additions et soustractions sur une feuille de papier, sans tenir compte de la réalité locale et des besoins de notre population...
N'existe-t-il pas d'autres pistes à explorer ?
La paupérisation de l'offre médicale à Aubusson, si elle se confirme ainsi, portera assurément un coup dur à l'attractivité du territoire, et pour de nouveaux habitants, et pour d'éventuels praticiens sur un secteur dont on rappelle qu'il sera touché sous 5 à 10 ans par une pénurie de médecins généralistes.
La démographie médicale en zone rurale n'est pas un sujet récent ; dès les années 1960, des psycho-sociologues avaient analysé les facteurs qui entraînaient l'exode des médecins de campagne, qui estimaient ne pas disposer des moyens nécessaires à une bonne pratique professionnelle. Cinquante trois ans plus tard, les choses n'ont pas tellement changé, risquant même de s'aggraver...
Il conviendra donc de lever tous les doutes sur le sujet, d'être attentifs et vigilants au maintien d'une offre de soins cohérente, non appauvrie, et au respect de la dignité de ceux qui ont tant donné, professionnellement et humainement aux patients.C'est l'avenir même de notre territoire qui est conditionné par la sauvegarde d'un tel outil structurant.
Pour certains, la santé n'a pas de prix ; pour d'autres, elle a un coût. La vérité, c'est que du jour où l'on fixe un prix à la santé, on prend le risque d'en payer un lourd tribut.
Je ne conteste pas l'analyse faite par Mathieu CHARVILLAT et lorsque j'ai évoqué ce qui pourrait adevenir de l'offre de soins sur Aubusson je n'ai jamais dit que c'était la meilleure solution mais qu'il était fort probable que ce soit le schéma qui serait retenu, ce qui semble se confirmer.
RépondreSupprimerLes derniéres informations publiées par la Presse font état du rattachement de la Clinique à l'Hôpital et de la dissolution de l'Association.
Attendons l'annonce officielle par l'ARS car il y a encore des zones d'ombre mais les élus quelques soient leurs tendances politiques doivent être trés attentifs au maintien d'une offre de soins sur notre secteur. J'ajouterai que l'absence d'un second chirurgien à la Clinique augurait mal du maintien de cette structure.