dimanche 19 mai 2013

Courage et Cohérence.

Le droit de chacun à pouvoir réfléchir et s'interroger est une liberté aussi fondamentale qu'inaliénable. Nul ne saurait pouvoir la soustraire à qui que ce soit, même si notre temps cultive de plus en plus la déresponsabilisation implicite qui conduit fréquemment de pseudo-élites à penser pour nous mêmes.
Penser, c'est la base même de la réflexion, celle qui permet de s'interroger ou d'interroger ; penser c'est aussi progresser et avancer. Cela exige une démarche cohérente pour être crédible, et la cohérence exige le courage de ses opinions, de sa pensée.
Le politique se doit de mettre en cohérence la parole et les actes, pour justifier de ses convictions, et par là même honorer sa valeur. La conviction, c'est l'intime, le corpus de ce qui fait la valeur d'un être humain.
Principe évident, celui qui n'assumerait pas cela, jetterai irrémédiablement le discrédit et sur la fonction et sur la condition, par essence vertueuse, de la mission publique inhérente au politique. Haute question de dignité.
C'est pour cela que je m'interroge et que mon questionnement, parfaitement légitime, me conduit à interpeller Mme Najat Vallaud Belkacem, ministre des droits des femmes et porte-parole du Gouvernement, sur un sujet précis.

Madame, 

Vous êtes une ministre de la République particulièrement engagée ; un engagement qui vous a conduit au coeur des débats autour du "mariage pour tous", une loi qui institue l'égalité pour chacun de pouvoir s'aimer librement, indépendamment de son identité sexuelle. La reconnaissance de l'universalité de l'amour est assurément une grande loi, à laquelle je suis personnellement favorable.

Engagée, vous avez dénoncé avec force virulence le climat d'homophobie s'instillant dans le sujet, vous avez fustigé les anti-mariage pour tous, au nom de la tolérance, de la liberté et de l'égalité des droits. Des valeurs essentielles.

Comme beaucoup en France, vous êtes de ceux qui s'élèvent contre les injustices, qui dénoncent les atteintes aux droits de l'homme (et de la femme), ici et ailleurs.

Madame, vos engagements vous honorent, et vous savez à quel point il est important pour le citoyen lambda de voir des politiques qui mettent en cohérence leurs paroles et leurs actes.

Dès lors Madame, j'attends de vous que vous rompiez un silence pesant, relatif à l'article 489 du code pénal marocain, le pays dont vous tenez des racines, qui criminalise « les actes licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe. »
L'homophobie est un délit en France, quand l'homosexualité est un crime au Maroc.



Si j'ai bien une opinion sur la question, qui m'envoie à ne pas être en phase avec ce texte législatif, et cette perception des choses, loin de moi l'idée de contester le droit d'un Etat libre et souverain. Simple citoyen, mon opinion ne compte pas dans le débat public sur le sujet, qui appelle à l'éveil des consciences par delà les considérations. Je n'ai ni l'audience ni la reconnaissance pour faire entendre que je ne suis pas d'accord.

Toutefois, vous, en tant que ministre avez le droit, plus encore le devoir de nous faire apprécier publiquement, vous qui êtes forte à propos lorsqu'il s'agit de dispenser la morale vertueuse dont vous vous réclamez, votre opinion sur le sujet. Je suis intimement persuadé que vous avez la même vision que moi du problème. Dans le concert international, votre voix porte bien plus haut lorsqu'il s'agit de la défense de droits universels.

Il en va de même de votre position sur l'affaire de ces deux hommes, âgés de 20 et 28 ans, actuellement en détention à la prison de Salé près de Rabat, qui encourent entre 6 mois et 3 ans de prison au seul motif de s'aimer.

Madame, vous constituez, en tant que femme politique, et ministre de notre république, un rempart contre toute forme d'atteinte aux libertés fondamentales. 

La France, souvent, donne des leçons de démocratie et de droit à la terre entière au nom d'une conception vertueuse instituée par l'universalité des Droits de l'Homme qui tirent leurs origines de notre pays. Nous condamnons les atteintes faîtes aux femmes, aux enfants, diverses persécutions et tant d'autres choses que nous pouvons constater dans d'autres pays...

Votre faconde, ou plutôt, votre talent oratoire, saura, je n'en doute pas, vous permettre de trouver les mots justes pour condamner ailleurs l'homophobie que vous dénoncez tant en France, pour dénoncer les outrages fait à l'amour, ici et ailleurs. 

J'attends de vous le courage propre à la cohérence de la conscience politique qui vous anime. J'attends de vous le respect de ce principe.
J'attends de vous, que vous rachetiez l'honneur perdu de bien des politiques, aux discours souvent convenus et hypocrites. 

Rompez le silence, et pour ceux qui s'aiment, et pour ceux qui veulent croire en la force de conviction de ceux qui gouvernent à notre Destin. Soyez digne de votre fonction et de vous-mêmes, parce que je crois que ce qui relève du politique est question de valeurs, et que les valeurs sont ce que les hommes (et les femmes) en tiennent et en font.

7 commentaires:

  1. Je suis entièrement d'accord avec ces propos et je pense qu'il serait bon de mettre le gouvernement marocain devant ses responsabilités mais n'oublions pas que nous avons été la puissance occupante et que toute intervention de notre part doit se faire avec diplomatie car un Etat comme le Maroc est trés jaloux de son indépendance et peu enclin à écouter des voix étrangéres même si elles lui rappellent le respect des droits de l'homme et de la femme.

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  2. Attention Robert,

    Ne nous méprenons non plus sur le sens second du post. Je veux démontrer ici qu'en France nous sommes de vrais spécialistes en matière de morale, et que souvent nous portons des jugements qui peuvent tenir lieu d'ingérence dans le fonctionnement de pays étrangers.
    Nous sommes là sur une pente glissante.

    Il est facile de dénoncer comme nous le faisons, souvent avec grandiloquence des pratiques qui ne sont pas les nôtres, qui n'appartiennent pas à notre culture à notre tradition, à notre mode de fonctionnement, à notre codification.

    Mais le quotidien, l'actualité montrent aussi que notre vaillance ou notre courage politique a des limites certaines, fixées par nos intérêts diplomatiques. Facile de juger de ce qui se passe en RDC. Bien plus délicat de s'exprimer publiquement sur la problématique de l'homosexualité au Maroc, un pays qui est un partenaire privilégié de la France.

    Imaginez l'incident diplomatique si une ministre française, tenant des racines au Maroc, s'élevait publiquement contre la législation d'un Etat souverain ? C'est un risque que personne ne prendra officiellement.

    J'imagine parfaitement Najat Vallaud-Belkacem avoir une opinion sur la question, à fortiori après la condamnation effective des deux jeunes hommes à 6 mois d'emprisonnement. J'imagine raisonnablement que cette dernière ait une cohérence de conscience. Mais nous savons qu'elle ne dira rien du fait de cette pression diplomatique. Et cela se comprend, si nous avons le droit d'avoir une opinion, il ne nous appartient pas de juger, et nous devons avoir l'humilité nécessaire pour respecter la souveraineté d'un Etat. La France n'a pas vocation à avoir une mission civilisatrice ou interventionniste à l'étranger.

    Pourtant, si celui que l'on décrit comme un homophobe en France est perçu comme un fasciste, il en est de même pour l'homophobe étranger ? Y-aurait-il deux poids de mesures en fonctions de nos intérêts diplomatiques et commerciaux ?

    Nous avons érigé en modèle les exemples de pays décrits comme progressistes parce qu'ayant légiféré depuis longtemps sur le mariage pour tous, fustigeant l'attitude rétrograde des opposants. Est-ce alors à dire que les pays qui n'ont pas légiféré sur la question sont obscurantistes ?

    Reconnaître une souveraineté, c'est accepter que d'autres puissent penser autrement et différemment même si cela nous choque. Avoir le courage de ses convictions, c'est tenir un même discours en toute circonstance, sans dénigrer que d'autres puissent voir autrement ; c'est cela l'ouverture d'esprit.

    Il est dès lors facile de prendre des positions polémiques en sachant avoir le soutien d'une opinion publique et surtout ne pas perdre le moindre intérêt. Or, en France, reconnaissons que nous avons la morale bien sélective, et un orgueil démesuré qui trahit assez bien l'absence de courage politique en bien des circonstances.

    La vérité tient en une phrase prononcée avec beaucoup de justesse par Tariq Ramadan concernant notre attitude envers l'étranger : "Il est des pays qui ont les moyens de vous faire taire". Et Mme Vallaud-Belkacem, sauf à me faire mentir, se taira...

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  3. On comprend aisément qu'une ministre du Gouvernement français soit tenue à une réserve diplomatique, mais nous, en tant que citoyens, nous pouvons nous exprimer librement et dire que les pays où l'Islam est une religion officielle ne sont pas des démocraties car il y a incompatibilité entre la religion lorsque celle ci prétend imposer ses régles et la démocratie.Par essence même les religions ne sont pas démocratiques car elles croient détenir la vérité et refusent le dialogue qui est l'essence même de la démocratie.
    Au XIXème siècle nos ancêtres (lire les déclarations des maires,conseillers généraux et députés radicaux-socialistes de l'époque qui considéraient le catholicisme (il s'agissait alors d'un catholicismes de combat)comme incompatible avec la République.

    Quant à Tariq Ramadan ce personnage sulfureux qui se fait passer pour un intellectuel alors qu'il n'est qu'un islamiste intégriste déguisé, les médias français devraient l'ignorer.

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  4. Oui Robert, en tant que citoyen, nous pouvons faire valoir une opinion, mais sans juger. Intellectuellement cela serait mal venu, compte tenu d'un contexte politico-culturel qui nous échappe.

    Concernant la relation entre religion et Politique, n'oublions pas que la religion fait partie, au même titre que les us et coutumes, des sources du droit, donc fondée à pouvoir codifier les règles d'une société. Les Etats religieux sont dès lors aussi souverains que les Etats qui ne le sont pas. La religion n'intervient pas forcément dans le processus démocratique d'un pays.
    Quid de Cuba, de la Corée du Nord, de la Chine... Des exemples de Démocratie ? Pourquoi nécessairement fustiger l'Islam comme contraire à la Démocratie, quand, à l'instar de la Religion, ou d'une certaine idée de la Religion, des Partis Politiques prétendent détenir la Vérité, et l'ériger en dogme ?

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  5. Mathieu,
    Les dogmes politiques comme le communisme sont en fait des religions laiques qui prétendent détenir seules la vérité ce qui bien entendu n'est pas démocratique, par contre je ne connais pas de pays où la religion est seule source du droit,comme l'Arabie saoudite, qui sont des démocraties.
    Pour moi il n'existe pas de vérité absolue et ce ne sont pas les scientifiques qui me démentiront.

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  6. Robert,

    Lorsque j'entends des politiques s'adresser au peuple de Gauche, ou au peuple de Droite, il y a un dogmatisme affirmé.
    Le dogmatisme politique ne s'arrête pas qu'au communisme.

    La religion comme source du droit, fait partie de l'histoire du Droit Public. Cela ne s'arrête pas à l'Islam, notre droit a été influencé par le catholicisme, la "morale chrétienne" fait partie intégrale de la vie politique aux USA, où l'on prête serment sur la Bible.

    D'accord avec vous pour dire qu'il n'existe pas de vérité absolue, que nul ne la détient.

    Enfin, pour revenir à Tariq Ramadan, le personnage suscite la controverse, il est vrai, mais il n'a pas que des contradicteurs en France quant à son oeuvre. Denis Sieffert, directeur de la rédaction de l'hebdomadaire de la Gauche Radicale est de ses soutiens, comme Noël Mamère.

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    1. Notre droit a surtout été influencé par le droit romain dont l'enseignement fut interdit jusqu'au régne de Louis XIV à la Sorbonne parce qu'il génait l'Eglise qui préférait le droit coutumier qui avait cours dans les pays de langue d'oil
      La qualité de notre droit civil précis et dont les régles ne peuvent être détournées en fait un droit bien plus moderne que le droit anglo-saxon dans lequel la jurisprudence tient une place trop importante ce qui fait la fortune des avocats.
      La tendance à la judiciarisation à l'américaine se répand dans notre pays et doit être combattue
      Enfin nous sommes heureusement un pays laïc dans lequel la religion reste une affaire personnelle et on ne préte pas serment sur la Bible ce que commencent à refuser de faire certains américains.
      Si la Gauche dite radicale et noël Mamére soutiennent Tariq Ramadan je considére ce personnage comme inquiétant.

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