Et chaque année, d'inexorables fermetures de classe, suivies toujours du même balai de contestations et de colère. Révolte des parents d'élèves, colère des élus, occupations de classe, opérations escargots, toute la panoplie de la manifestation de base est passée en revue, classiquement. Toutes les colères se comprennent et se respectent.
La ruralité, telle qu'elle est perçue et vécue ici, est particulièrement sensible à la gestion de ces questions, jugées, à juste titre, essentielles quant au devenir de nos territoires.
Il est vrai que l'école symbolise, à elle seule, la jeunesse et le dynamisme ; elle est souvent décrite comme un indispensable poumon pour un village et une communauté, garante de la vitalité du monde rural. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter attentivement l'éternel refrain qui accompagne les fermetures de classe et les disparitions d'école, qui sont décrits comme la mort des villages.
Pour autant, la complainte qui sonne trop souvent comme un aveu d'impuissance, pire encore, de résignation, ne saurait être suffisante à masquer une réalité trop souvent éludée, et enrobée dans un nœud de déclarations d'usage.
Plus souvent qu'à leur tour dans ces circonstances, l'Inspection Académique, le rectorat, l'Etat sont jugés responsables de tous nos maux, jugés à priori coupables de la fermeture de nos services publics, de nos services de proximité...
Ces mises en accusation suffisent à elles-seules à prouver à quel point dans nos contrées, nous avons ce terrible réflexe consistant à tout attendre d'autrui, en pensant ne rien avoir à faire, comme pour mieux s'exonérer de la moindre responsabilité.
Et ce type de discours, démagogique au possible, ne correspondant plus à rien, qui cultive le misérabilisme aux dépends de la liberté de s'entreprendre, semble arranger tout le monde. Mécanique bien huilée que l'on habille de tous les symboles, la mobilisation est aussi prompte à se mettre en place et à s'afficher, que rapide à s'essouffler, ne résistant généralement pas aux vacances d'été... Nous autres, adorons, confortablement, jouer la victimisation à l'excès. N'attendons pas tout de l'Etat, n'attendons pas tout des autres, ce serait une erreur funeste.
Ne nous satisfaisons pas non plus des quelques classes sauvées ça et là, par la grâce d'un certain clientélisme politique censé faire passer la pilule. Au contraire, nous avons le devoir de l'exigence.
Si nous sommes tous d'accord pour dire que la ruralité symbolise le combat pour l'égalité des territoires, nous différons souvent, et dans notre perception de la ruralité d'aujourd'hui, sur la nature de ce combat, et sur la mise en œuvre de ce combat.
Comprenons que ce ne sont pas les fermetures de classe qui agissent, de prime abord, en repoussoir pour les jeunes, mais que c'est bien l'absence de jeunes qui induit la fermeture des-dites classes.
En disant cela, nous touchons là au nœud du problème, résidant en la démographie de nos territoires ruraux, vieillissants, et à ses perspectives pragmatiquement comptables de notre avenir immédiat. La réalité est là, tout à la fois cruelle et révélatrice sinon de notre inertie, du moins de notre atonie, pour le sûr, de notre responsabilité certaine dans ce qui relève d'un échec cinglant, marquant l'absence d'anticipation et de vision prospective pour la dynamisation de nos territoires.
Le maintien de nos attitudes, irresponsables, au sens premier du terme, est par avance suicidaire, tant cette démographie dont personne ne parle jamais, surtout pas ceux qui s'agitent et qui vendent une ruralité misérable, est préoccupante. Songeons que la Creuse perdra 1000 élèves de primaire sur les prochaines années, et l'on comprendra la menace qui plane.
Il s'agissait, quelques années en arrière, d'appréhender cette réalité que chacun pouvait anticiper, pour adapter, collectivement, nos politiques de développement et d'accueil de population, mais aussi d'organisation scolaire afin de coordonner les regroupements pertinents garantissant l'équité en matière d'enseignement et d'accès à un enseignement de qualité..
S’apitoyer sur notre sort aujourd'hui, n'a aucun sens. Il s'agit maintenant de prendre notre destin en main, courageusement. C'est cette opportunité qui nous est offerte.
Derrière nos complaintes, sachons humblement reconnaître la chance qui nous est laissée. Car derrière cette misère que l'on veut bien nous vendre, il y a une autre réalité comptable, incontestable : la Creuse bénéficie du troisième plus fort taux d'encadrement en France, avec une moyenne de 6,57 enseignants pour 100 élèves.
Bien sûr qu'il est difficile de voir une école fermer dans son village, à fortiori, quant soi-même, nous y avons des souvenirs d'enfance enfouis au plus profond de nous-mêmes. Mais nous ne pouvons faire l'économie de la restructuration, qui épouse les réalités d'aujourd'hui, sous peine de tout perdre.
Nous avons le devoir de l'exigence, cela ne tient qu'à nous, de créer de nouvelles dynamiques de territoire susceptibles de pouvoir accueillir de nouvelles populations, ou de pouvoir maintenir nos jeunes, leur donner la possibilité de pouvoir vivre et s'accomplir ici.
Mais il ne tient qu'à nous, collectivement, en cohérence, d'assurer l'avenir de la ruralité comme une alternative de vie crédible. Il ne tient qu'à notre volonté commune de créer les conditions d'un développement harmonieux, structuré, qui suppose la conjugaison des moyens, pour assurer le nécessaire seuil d'investissement dont nous avons besoin, pour garantir le maintien de services publics essentiels, les conditions de l'attractivité et du décloisonnement, et préparer l'héritage des générations futures.
Les rivalités de clochers, appartiennent au folklore d'antan. Nous ne pouvons plus nous le permettre ; le temps est désormais à l'entente.
Tout cela ne se fera pas sans unité, cela ne se fera pas sans initiative, ni esprit d'entreprise, cela ne se fera pas sans prise conscience, ni sans volonté. Au vu des enjeux directs qui nous attendent, nous ne saurions pouvoir demeurer repliés sur nous-mêmes, apathiques et isolés. C'est bien de l'union que naîtra la force ; Plus ici encore qu'ailleurs.
"Cette force, l’individu ne l’a qu’aussi
longtemps qu’il ne sépare pas son destin de celui des autres, qu’il ne
perd pas de vue l’essentiel, qu’il a la conscience profonde d’appartenir
à une communauté. Dès qu’il n’est plus qu’une conscience isolée, il
cherche dans son âme un prétexte pour s’évader."
Milena Jesenska.
Milena Jesenska.
A appliquer d'urgence...
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