vendredi 5 novembre 2010

Indépendance et singularité : Pourquoi j'ai manifesté contre la réforme des retraites.

Il y a bien longtemps qu'une réforme aussi essentielle que celle des retraites n'avait pas soulevé de telles passions, et autant fait l'unanimité populaire contre elle. Le peuple français a massivement répondu contre le projet de Nicolas Sarkozy et de son Gouvernement, se mobilisant par millions à travers le pays.

Face à ces manifestations géantes, le Gouvernement, la Droite dans son entier, sont restés inflexibles, comme sourds à ce que le peuple répondait.
Les français n'ont eu que la rue comme moyen d'exprimer leur désapprobation devant la réforme, dans un véritable concert d'informations, de désinformations, de malinformations, de vérités, de contre-vérités et de mensonges.

La question des retraites ne suggère pas de réponses simplistes, telles qu'apportées quotidiennement, car elle est complexe et technique. Si les réponses a apporter étaient aussi simples à trouver que celles imposées par nos Gouvernants, jamais, la mobilisation n'aurait été aussi importante. C'est dire l'épinosité du sujet.


Les atermoiements de la Gauche sur le sujet ne font que renforcer la complexité du dossier, tant elle verse entre pragmatisme et démagogie ; "En 2012, lorsque nous reviendrons au pouvoir, nous reviendrons aux 60 ans !"
Pourtant, Martine Aubry, elle-même, première secrétaire du PS, expliquait que pour elle, pour avoir une retraite à taux plein, il fallait admettre que 41 annuités et demi, étaient nécessaires.
Quel décalage avec la mobilisation sociale et le discours des 60 ans !

Comment revenir aux 60 ans, en acceptant 41 annuités ? La Gauche qui ne montre pas son unité là dessus, ne prouve pas ainsi sa crédibilité, en servant un discours purement électoraliste :
Après tout, moi aussi j'aimerai bien revenir aux 60 ans...

Voici donc le type de discours que l'on entend dans le cortège des manifestants, opposés à une réforme imposée au mépris de toute consultation populaire, et de tout consensus social.
Car la question est là : quel est l'enjeu de cette réforme des retraites ? Pourquoi est-elle si essentielle ?
A-t-on pris le temps d'expliquer les choses avant d'imposer, et non de proposer un projet de réforme. Nos con-citoyens ont-ils tous les tenants et aboutissants du sujet ? 

Les enjeux sont en effet multiples. Mais il est peut-être bon de rappeller certaines vérités :

-notre système de retraites est basé sur le principe noble de la solidarité inter-générationelle, reposant sur le financement de répartition : ce sont les personnes en activité (actifs) qui, au moyen de leurs cotisations, financent les pensions versées aux retraités.
-l'équilibre financier de notre régime est menacé à cause d'une raison essentielle : le nombre de retraités augmente plus vite que le nombre d'actifs. En 50 ans, nous sommes passés d'un ratio de 4 actifs pour un retraité, à un ratio de 1,8 actif par retraité. A terme, il y aura autant d'actifs que de retraités.
-les conséquences pour la viabilité de notre système de retraites sont terribles, puisque pour l'année 2010, le déficit s'élève à 32 milliards d'euros, ce qui signifie qu'une retraite sur 10 n'est plus financée.
-concrètement, ces retraites sont financées par la Dette, une dette que François Bayrou n'a eu de cesse de dénoncer depuis la campagne présidentielle de 2007, et qui continue de s'accroître, qui pèsera sur les générations futures.


Nous sommes donc confrontés à un défi à la fois social, économique, et démographique, qui aurait pu être anticipé, et qui aurait dû être pris à bras le corps il y a des années de cela.
Les français attendent donc de cette réforme qu'elle maintienne le niveau actuel des pensions, mais surtout qu'elle pérénise le système par répartition, si cher à leurs yeux.
Et ce n'est pas la réformette (qui avait la prétention d'être une des mesures phares du quinquennat de Nicolas Sarkozy) qui répondra au problème de façon efficace.

Plusieurs raisons à cela : d'une part, elle n'est que temporaire, puisqu'il faudra redébattre la question à l'horizon 2020 ; c'est donc que dans sa configuration, elle ne répond pas à la problématique.
Par ailleurs, pour qu'une réforme des retraites soit durablement efficace, il faut nécessairement lui adjoindre une politique de plein emploi afin d'équilibrer le ratio actifs / retraités.
De plus, la réforme telle que proposée s'avère particulièrement injuste, notamment sur le domaine de la pénibilité, qui n 'est pas prise en compte. Celle-ci doit l'être par une caisse autonome alimentée par les entreprises au prorata des risques qu'elles font encourir à leurs salariés. Cette mesure entraînant une évolution vers des carrières professionnelles plus diversifiées.
Et que dire du déplacement de l'âge légal du départ à la retraite sans pénalisation à 67 ans ! C'est là une mesure absolument inacceptable, car pénalisant les salariés les plus fragiles et les femmes qui ont débuté ou stoppé leur carrière après avoir élevé des enfants.
Cette décision, particulièrement injuste repose sur un artifice comptable puisque lorsque ces personnes font valoir leurs droits à la retraite, un grand nombre d'entre eux ne travaillent plus, étant soit au chômage, soit en fins de droits, soit aux minima sociaux, ou sans ressources. Ces ressources doivent donc être assurées par les caisses chômages ou les budgets sociaux.
Quant au problème de la dette, qui va grandissante, on ne peut pas dire que le problème soit en instance d'être réglé, et ce ne sont pas les milliards d'euros de perte dues au bouclier fiscal, qui ne protègent que les très hauts revenus, qui vont me faire penser autrement.

Alors oui, j'ai manifesté contre la réforme des retraites, parce qu'elle ne me paraît ni juste, ni adaptée aux problématiques qu'elle soulève. Mais j'ai manifesté en toute indépendance, avec singularité, car il est nécessaire de comprendre qu'une réforme pragmatique est inéluctable pour sauver notre système, généreux.
J'ai enfin manifesté par opposition et parce qu'il n'est pas obligatoire d'être de gauche pour penser un monde meilleur, plus juste, parce qu'il n'est pas obligatoire d'être de gauche pour défendre les droits de tout un chacun et ceux des plus démunis d'entre nous, parce qu'il n'est pas obligatoire d'être de gauche pour penser le progès social.

2 commentaires:

  1. magnifique argumentation comme toujours mathieu;
    les gens oublient beaucoup de facteurs, c'est une réalité; mais il est vrai aussi que j'en oublie, je le reconnais

    bon, premièrement en ce qui concerne la désinformation sur la réforme:
    je comprends que de ne pas informer le peuple clairement soit une attitude que très peu correcte dans la pratique; néanmoins, la population devient très vite instable lorsqu'il s'agit de toucher à leur confort; personnellement je peux comprendre qu'un gouvernement veuille garder le peuple relativement stable et faire tout pour qu'il ne tombe pas dans l'"anarchie".
    Le fait qu'il y ait désinformation signifie aussi que la population hurle sans CHERCHER à savoir pourquoi des choix ont été fait.

    deuxièmement, je trouve qu'il est très pertinent de ta part d'interpréter la parole des manifestants comme : quel est l'enjeu de cette réforme des retraites ? Pourquoi est-elle si essentielle ?
    il est vrai que cela résume bien la situation au final;
    néanmoins, je trouve qu'il n'est pas de trop de dire que les messages qu'ils revendiquent ouvertement sont loin d'être aussi pertinents...
    de plus, je ne crois pas qu'une manifestation tous les 4 matins pour si et pour ça puisse avoir le moindre poids
    (pour nuancer le propos précédent, il est probable que le gouvernement ait manipulé la population avec des petits conflits (menant tout de même à la manifestation) pour préparer l'esprit général à celui là; afin d'enlever la crédibilité du peuple en somme;
    cela ne répondrait absolument pas aux principes de l'état français! car tout cela signifierait que le gouvernement impose son mot.(malheureusement)
    Malgré tout, même si cela était vrai, il ne faut pas oublier que nous parlons de donner seulement deux ans de notre vie en +!pendant le temps que la fin du quinquennat de notre président arrive.Par la suite, ce sera au peuple d'agir en choisissant un chef d'état plus en adéquation avec leur vision des choses, au lieu de toujours favoriser abstention...)
    pour finir, j'ai commencé à parler sur cette réforme car les gens ont tout de même une attitude fasciste; ils veulent revendiquer leurs droits en france à travers des manifestations; mais quand je vois qu'ils bloquent les arrivés d'essence, les transports ou même l'accès à l'éducation, je sais qu'ils oublient leur devoir principal : la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres...

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  2. De la pédagogie dans cet article. Ce qui a manqué à la mise en place de la réforme, par ailleurs. Ah le monopole de la gauche sur la justice sociale. Et si être juste, c'était tenter d'atteindre un point d'équilibre et non s'arc - bouter (hypocritement) sur une idéologie ?

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