vendredi 2 décembre 2011

Produire !

Il est des données incontestables qui marquent durablement et font froid dans le dos. Celles relatives à la désindustrialisation de la France sont aussi éloquentes que conséquentes pour notre pays. Par désindustrialisation, on entend ainsi baisse de l'emploi industriel, donc par voie de conséquence, chute de la production industrielle. Dès lors, la contribution de ce secteur au sein du PIB devient moindre.
A titre de comparaison, quand l'activité industrielle représente aujourd'hui 11 % du PIB en France, elle représente 20 % en Allemagne, soit près du double. Des chiffres qui traduisent une problématique de premier ordre, confortée par d'autres données ; quand en France le déficit du commerce extérieur s'élève à 75 Milliards d'Euros, l'Allemagne présente un solde positif de 141 Milliards d'Euros.
Parallèlement à cette fuite importante des ressources nationales, le nombre de foyers augmente, qui voit mécaniquement son pouvoir d'achat baisser... La France se paupérise parce qu'elle est devenue un pays qui consomme, mais qui ne produit plus, un pays qui s'endette pour maintenir à crédit un niveau de vie insupportable. Un constat frappant qui représente un des défis de l'immédiat. L'urgence : produire !
Sur une période de 27 ans (1980-2007), le poids de l'emploi industriel a baissé de 36 % avec près de 2 millions d'emplois détruits sur cette période. Un effondrement qu'il convient de nuancer en établissant un distingo. Effectivement, cette chute est la conséquence de plusieurs facteurs différents, en premier lieu, de 1980 aux années 2000, on a notamment assisté à une mutation du système productif avec un recours à l'externalisation d'activités productives du secteur industriel vers le secteur tertiaire, celui des services. On peut ainsi parler objectivement de transfert d'emplois, et d'une mutation de la nature productive, passant des biens aux services.

Dès lors, structurellement, on assiste à une ré-orientation des dépenses des ménages, justement au profit des services, au détriment des biens industriels.
Mécaniquement, une moindre consommation de biens induit à la fois une baisse de leur prix, mais également, un besoin de gain de productivité qui s'exprime par une réduction du besoin de main d'oeuvre. Ce phénomène est impliqué à hauteur de 30 % des destructions d'emplois dans ce secteur. Pour autant, il ne s'agit pas là d'un fait irréversible, mais dépendant de la capacité d'innovation des industriels.

Enfin, il serait absurde de ne pas voir et citer l'impact de la mondialisation dans notre problématique de désindustrialisation. La concurrence étrangère, particulièrement celle des pays émergents, s'est en effet exacerbée et a largement contribué à la perte d'emploi industriel en France, notamment en favorisant des coûts de production beaucoup plus bas, incitant les industriels à délocaliser à l'étranger leurs unités de production, au nom du profit maximal. 

C'est sur l'ensemble de ces trois facteurs que la France a vu s'effriter son tissu de production industrielle, sa balance commerciale accuser un déficit historique, important bien davantage qu'elle n'exporte, ne produisant plus dès lors ni produit, ni richesse.

Les conséquences économiques liées à une production défaillante sont réelles et concrètes. Ainsi la croissance, dite économique, est liée à la production de richesses, qui si elle est homogène et harmonieuse, doit améliorer les conditions de vie générales des différentes composantes d'une société. La croissance est ainsi assimilée au niveau de vie, relatif à la production de richesses dans un pays.
Dès lors, un pays qui n'a pas de croissance est un pays qui ne produit pas. Et c'est là, un des problèmes majeurs de la France.

Redresser notre pays passe par l'impératif de Produire sur notre sol. Cela est possible, et nous aurions bien tord de sombrer dans la sinistrose face au contexte de mondialisation qui nous étrangle, face à la concurrence des pays émergents, face à la Chine et ses coûts de production indécemment très bas. L'Allemagne en est le parfait contre-exemple.
Outre-Rhin, on a pas joué le jeu de la délocalisation, mais parié sur la qualité d'un label : "made in Germany". En effet, délocaliser les unités de production afin de bénéficier de coûts avantageux est revenu à abaisser la qualité de cette même production. A ce titre, l'industrie automobile française, louée pour sa qualité et qui a cru bon de s'expatrier à l'étranger, est aujourd'hui "à la ramasse" face à son homologue allemand, qui produit en Allemagne et vend en allemand. "Das Auto". Cela est un signe fort. En jouant sur la qualité de son label et de sa production, l'Allemagne s'est assurée la conquête des marchés, et une balance commerciale très excédentaire par le biais de ces exportations. Une balance excédentaire qui permet des réductions fiscales...

Un résultat d'autant plus impressionnant que quand les salaires annuels par tête dans l'Industrie française sont de 36.000 €, en Allemagne, ils atteignent 47.000 € par tête.
Notre faiblesse majeure par rapport à nos voisins teutons : notre réseau de PME, si créatif et réactif en Allemagne, qui chez nous n'a pas été assez soutenu pour faire face aux nécessaires innovations, investissements et transformations.
En effet, notre pays, fort d'un savoir technologique de premier plan n'a conservé que la tête de la pyramide de la production tout en en perdant la base (PME). L'innovation et la créativité doivent être les fers de lance de la reconquête.

Produire doit devenir "une obsession nationale" (dixit François Bayrou), en favorisant l'investissement par une mise à plat de notre Droit du Travail, complexe et inadapté. C'est par ce type d'effort, qu'il sera possible dès lors de relocaliser, et créer de la richesse sur notre territoire ; l'objectif étant de ré-équilibrer notre balance commerciale par la reconquête du commerce extérieur.
La création de richesses est un des moteurs de la croissance d'un pays. Qu'on se le dise, nous ne pourrons éternellement consommer à crédit, et l'impérieuse nécessité de trouver des ressources ne pourra être générée que par l'activité, seule créatrice de richesses... Comme l'a si bien dit Michel Godet, nous ne sommes pas imposables sur le temps libre... A méditer.

5 commentaires:

  1. Et cela trouve sa déclinaison locale, ici en Creuse. C'est Produire donc créer du développement économique, accompagné ou devancé du développement d'infrastructures, qui permettra à notre territoire de sortir de son lent et inexorable déclin...

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  2. Très bonne analyse mais après avoir discuté avec un gros industriel français qui actuellement produit principalement dans des pays asiatiques et sud américains, il s'avère qu'il a commencé depuis 2 ans à rapprocher sa production sur des pays situé en europe et proche de la France (ex : la POLOGNE).Pour l'avenir et à court terme son investissement va se reporter sur la France. La Creuse aurait pu l'intéressé mais il lui faut tous les moyens de communication utilisés actuellement, l'autoroute, le ferroviaire, et l'aérien, ce qui est impossible actuellement dans notre département. Son projet s'oriente donc sur la région parisienne.
    Nous devons dans notre département réagir et agir pour développer ces moyens de communications, notre cadre de vie est notre atout. Nous pourrions ainsi être la seule région française, centrale, offrant une qualité de vie exceptionnelle avec un secteur d'activité se situant dans un espace proche de la N145, de l'aéroport de LEPAUX et à deux pas d'un TGV futur dont le tracé serait prévu le plus à l'ouest. Mais pour cela nous devons dépasser les clivages politiques et les égos de chacun. Nous devrions être guidés par l'envie, le besoin de conserver et développer notre territoire en harmonie avec ce qu'il représente.

    PHILIPPE PETIT

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  3. A cette présentation de la désindustriallisation je veux ajouter un point qui me parait important, à savoir la répartition en taille des entreprises.

    Tout le monde sait que l'on a des grandes entreprises phares (Airbus...), on le dit assès souvent. D'autre part les aides sont à mon avis exagérément orientées vers la création d'entreprise (passage de 0 à 1 employé), or il me semble que la force de l'Allemagne est d'avoir des grosses PME (entre 300 et 1000 salariés). Une grosse PME peut avoir un servir recherche (pour les nouveaux produits), exportation, une politique commerciale et de veille technologique, des équipements de production rationnels...

    Une petite entreprise est sympathique en ce sens qu'elle crée des emplois... mais pas forcément de richesse, le patron est personne à tout faire, passe à côté des marchés, a un petit appareil productif, réinvente la poudre... Exemple, imaginons que l'on crée 10 entreprises individuelles dont 8 survivent avec leur créateur seul dans l'emploi, taux de survie de 80%, bien non ? D'un autre côté on pourrait avoir 2 entreprises qui survivent avec 10 employés chacune, taux de survie de 20%, mauvais non ?... alors que le total des emplois est de 20 et non de 8.

    J'ai entendu un exemple d'une start-up dans le médical, innovante dans le domaine de l'imagerie médicale. Arrivée à une certaine taille, les investisseurs semblent pris de vertige et cherchent à vendre leurs participations avec plus value, comme si le passage de disons une cinquantaine d'employés et des 10 millions d'euros de chiffre d'affaire leur donnait le vertige.

    Mr X

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  4. En réponse à Mr X, j'ai créé voilà plus de 20 ans une petite PME qui a employé jusqu'à 10 personnes, maintenant ramenés à 6. Et la richesse est bien là, ces personnes touchent des salaires, qu'eles dépensent pour vivre dans un départe ment (La Creuse)ou l'emploi ne coure pas les rues. Je ne sais pas si Mr X a créé des emplois et a su les faire perdurer mais je peux lui assurer que c'est un combat de tous les jours. Je ne crois pas avoir réinventé la poudre mais très certainement d'avoir donné à ses employés une envie de vivre et venir travailler chaque jour dans l'entreprise avec la conviction d'être utile, reconnu et heureux dans l'acccomplissement de son travail. Voila LA RICHESSE.

    PHILIPPE PETIT

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  5. Matthieu a toujours des analyses trés pertinente ! Notre problamitique locale est bien l'emploi et l'économie, tout le reste ne peut s'améliorer qu'à partir de cela !

    Le déclin local n'est plus à prouver, c'est une constatation que tout un chacun peut faire, il nous trouver des PME, des PMI, des commerçants et artisans, enfin tout ce qui touche à stopper et inverser ce déclin, sinon nous allons tous nous finir de noyer dans la piscine et les illusions que ce bassin puisse servir à créer de l'économie,

    Oui c'est de l'activité qu'il faut générer, la richesse (re)viendra de là !!

    Claude Teyton

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