dimanche 8 mai 2011

Avec le football comme alibi.

Nous vivons décidément une drôle d'époque ; une époque où les concours de circonstances, sonnant comme des hasards curieux, semblent étrangement répondre aux besoins d'une actualité déjà brûlante.

Oui, bien naïf celui qui croit en ces (fu-fa)meux hasards à l'heure où la crise sociale, matérialisée par cet épineux débat identitaire qui rejaillit sur la scène politique de façon aussi soudaine que dérangeante.Ou l'on reparle de ces sujets tels que l'immigration, l'identité nationale, l'insécurité, autant de thématiques qui couplées à une situation économique tendue, vous donne un alliage démago-nationaliste savamment orchestré par un pouvoir étatique qui sait jouer du tourbillon médiatique pour droitiser un peu plus encore sa position et mettre en avant une Marine Le Pen qui brille sous le feu des projecteurs.


Nicolas Sarkozy cherche à ratisser large dans l'optique de 2012 et quoi de mieux que d'embraser un peu plus la situation pour séduire encore un peu plus à sa droite.
Bien sûr, le but n'est pas ici de mettre en exergue, ou de prouver une quelconque collusion entre ces mouvements politiques, mais il semble néanmoins de bon ton pour l'Elysée de ménager un électorat dont le poids va compter lors de la prochaine échéance électorale. Et quoi de mieux dans cette optique que de l'exciter en attisant ses instincts les plus primaires.

Evidemment, c'est jouer un jeu dangereux sur un plan politico-idéologique qui pourrait agir comme un repoussoir pour les plus modérés. La question est : comment faire passer la pilule et prouver sa bonne foi sur ces sujets ? Comment trouver l'équilibre pour ne pas se mettre à dos l'opinion publique ?
Réponse : en trouvant pire que soi, en brûlant une icône nationale !

Pas si simple en réalité.

A ce titre, le sport, parce que populaire et accessible aux masses, le sport, parce que souvent vecteur de communication et/ou de popularité (par les valeurs dont il se réclame : fraternité solidarité...). Voici là un outil usité, mais souvent fiable, demeurant un levier d'excellence en la matière, qui a traversé le temps, et servi aussi les causes politiques les plus contestables.

Hitler l'avait bien compris qui voulut se servir du football comme tel lors de la coupe du monde 1938 en envoyant en France une équipe née de l'Anschluss, merveilleuse sur le papier, mais qui fut éliminée très rapidement par... la Suisse.
Equipe nationale d'Allemagne - 1938.
Videla put faire mieux accepter à l'opinion publique mondiale son odieux régime militaire avec l'organisation de la Coupe du Monde 1978 en Argentine, par ailleurs remportée par le pays organisateur à l'issue d'un parcours qui demeure controversé pour nombre de spécialistes.

Equipe nationale d'Argentine - 1978.

Oui, le sport peut être une arme redoutable, capable de rassembler, dans des scènes de fraternité et de liesse populaire, parmi les plus émouvantes de l'Histoire de l'Humanité. Souvenons-nous de France 98, et de cette France Black Blanc Beur, unie dans sa diversité, et du moral en berne du peuple français à cette époque.
La France, black, blanc, beur.
Mais le sport peut tout autant diviser... Et curieusement, c'est dans ce contexte tendu que surgit l'affaire dite des quotas dans le football français, une affaire ennuyeuse et délicate qui accable la Fédération Française de Football en général, et deux personnages, parmi les plus éminents de cette dernière, François Blaquart, assez peu connu du grand public, mais aussi Laurent Blanc, l'actuel sélectionneur des Bleus, figure emblématique de France 98, extrêmement populaire et plébiscité par tous lorsqu'il fallut succéder à Raymond Domenech.

François Blaquart.

Laurent Blanc.  

Si les propos relayés par la presse interpellent forcément et choquent nécessairement, bien au delà du contexte assez complexe du sujet, dont seul Francis Smerecki (dont on parle peu), entraîneur national, ayant officié à Limoges, s'était ému lors de l'échange révélé par Médiapart, ils relèvent davantage de la maladresse des communicants sans pour autant prouver une sensibilité raciste.

Francis Smerecki.


La question de la double nationalité chez nos jeunes footballeurs a dépassé les protagonistes de ce débat, et il est bien évident que parler de quotas dans les Centres de Formation Nationaux (relevant de la FFF) est fondamentalement discriminatoire.
Permettre à un tel sujet d'exister demeure inquiétant, révèle les dérives de notre société.

Mais la réaction de nos Gouvernants ne s'est pas faite attendre, avec la suspension immédiate de François Blaquart dans un accès de testostérone que ne renieraient pas nos sportifs, au nom de la bonne morale et de l'éthique. Et que dire de la pression médiatico-populaire mise sur Laurent Blanc que chacun cherche à sauver. Las, quoi qu'il advienne, dans l'inconscient collectif, le mal est fait, et l'aura du messie Blanc est définitivement écornée.

Voici comment brûler une icône nationale, en faisant supposer le pire aux gens.Voici comment retrouver des ailes blanches en trouvant pire que soi en matière de discrimination.

Chacun jugera avec sa liberté de conscience. Mais nous vivons décidément une drôle d'époque.

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