jeudi 21 juillet 2011

La cogénération : Vraiment une fausse bonne idée ?

L'écologie est au coeur de tous les débats d'aujourd'hui ; c'est une thématique sociétale importante dont la prise en compte déterminera ce que sera le monde de demain, qui remet notamment en question notre modèle économique, nos habitudes de consommation.
L'enjeu est de taille : assurer l'avenir des générations futures ; nous risquons en effet de payer un lourd tribut dû aux excès de la société d'aujourd'hui.
Le monde d'aujourd'hui pour lequel il convient d'opérer une mutation coûte cher, même très cher, tant humainement que financièrement.
L'écologie tend à vouloir répondre à cette problématique, non pas comme un épiphénomène créateur d'un effet de mode momentané, mais comme une force de proposition et de transformation. Son arme : le développement durable.
Sa mise en place nécessite un investissement important qu'un certain nombre d'économistes voient comme une dépense somptuaire, comme un luxe, comme un frein à la croissance.
Qu'en est-il réellement ? Le développement durable est-il à ce point cher que l'on ne puisse le supporter ?

Pour illustrer le débat, un exemple local, revenu sous le feux des projecteurs depuis une quinzaine de jours ; celui de la cogénération de Felletin.

  • Un projet pertinent et enthousiasmant...
A l'issue d'une réflexion menée par la municipalité felletinoise dans le cadre de la rénovation du chauffage des bâtiments municipaux, un projet d'usine de cogénération et de réseau de chaleur voit le jour en 2003.
Cette cogénération, essentiellement implantée en Europe du Nord, implique la production simultanée, à la fois de chaleur et d'électricité, à partir d'une même source combustible.
Cependant Felletin se distingue par une originalité : l'utilisation dans ce cadre de deux énergies ; le gaz naturel, uniquement en secours, et les déchets de bois issus de l'importante production des scieries locales.
Ce dispositif a ainsi permis de desservir Felletin en gaz naturel.
Sur le plan écologique pur, au delà de l'utilisation et de la valorisation des déchets de bois, il convient de préciser la multiplicité des objectifs inhérents, avec notamment la création d'une chaudière et d'un réseau de chaleur minimisant les pertes d'énergie, mais aussi la capacité à lutter contre l'effet de serre.
Dès lors le projet, initialement dévolu aux bâtiments municipaux a été élargie à des bâtiments non municipaux, particulièrement consommateurs d'énergies, tel que le Lycée des Métiers du Bâtiment, ou les HLM...
l'unité de Cogénération de Felletin.
La mairie de Felletin a donc confié la concession à la SOCCRAM pour une durée de 20 ans, chargée de la construction de la chaufferie, du réseau de chaleur, puis de l'exploitation et de l'entretien du site. Le tout pour un investissement de base de 9 millions d'Euros, répartis entre les différents partenaires.
En quelques chiffres, 60 000 tonnes de déchets de bois utilisés, pour une production de chaleur distribuée de  14 000 MWH par an, et une production d'électricité de 20 000 MWH vendus à EDF chaque année.
A la clef, la création de 10 emplois sur le bassin pour une réussite à la fois économique et écologique.

  • ... Mais une conjoncture très défavorable...
A l'arrivée l'investissement pour la Cogénération aura atteint environ 15 Millions d'Euros. Aujourd'hui, l'unité de cogénération est particulièrement menacée, celle-ci tournant actuellement au gaz ; une situation qui pourrait se prolonger et provoquer dès lors la suppression de 7 des 10 emplois créées.
En effet, cette unité n'a jamais trouvé son équilibre financier, affichant cette année encore un déficit structurel de 2 millions d'Euros.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir, comment est-il possible qu'à partir d'une si bonne idée, on soit arrivé à un tel fiasco financier ?
La faute à une conjoncture économique particulièrement défavorable qui a frappé de plein fouet les belles ambitions économico-écologiques du projet :
Composante importante de la filière bois, engagée auprès des différents acteurs locaux de la filière pour le rachat et le traitement des déchets de bois, la SOCCRAM a malheureusement subi l'évolution exponentielle du prix de cette matière première, désormais produit connexe de scierie, valorisé à un prix supérieur de 500 % par rapport au coût initial.
Par ailleurs, la situation financière exsangue s'explique également par un prix de rachat de l'électricité produite à un niveau très inférieur à celui pratiqué pour d'autres unités.
Concrètement pour arriver à une situation d'équilibre, il faudrait que le prix d'achat pratiqué soit multiplié par trois...
GDF Suez, devenu actionnaire majoritaire de la SOCCRAM a la volonté, légitime, de parvenir à l'équilibre, ce qui explique la situation transitoire et l'utilisation du gaz comme combustible à défaut du bois. Une situation préoccupante à plus d'un titre, menaçant clairement les emplois du site (7 pour 10), et impactant de fait sur la filière bois, obligeant dans un premier temps les professionnels à suspendre leur livraison, avant de peut-être devoir trouver de nouveaux débouchés.
La municipalité de Felletin, inquiète pour l'avenir des emplois concernés, tient à normaliser la situation afin que l'on revienne aux objectifs originels de la Cogénération. Des solutions sont à l'étude, même si tous les scénarios semblent envisagés...

  • En conclusion :
Le développement durable coûte cher, mais cette affirmation est à relativiser au plus haut point, car globalement incomplète. En effet, ne perdons pas de vue que ce sont les acteurs économiques qui fixent les règles, et que dès lors, le marché est largement conditionné par la règlementation (la preuve avec l'exemple de la SOCCRAM).
Dès lors, avant de se poser la question du développement durable, il faudrait peut-être quantifier ce que coûte "le développement non durable" et ce qu'il représente en terme de menaces à terme. Ainsi, l'économiste anglais Nicholas Stern explique que le réchauffement climatique coûte directement et indirectement entre 5 et 20 % du PIB mondial, indépendamment des lourdes conséquences induites pour l'avenir, qui alourdiront nécessairement la facture, tant humainement que financièrement.
L'inaction face à la problématique écologique coûte donc un minimum de 5 % du PIB mondial par an, quand dans le même temps, la lutte contre l'effet de serre ne coûte lui que 1 % du même PIB.
Dès lors, la teneur des enjeux d'avenir posés par la question écologique, ne saurait nous donner le droit d'en faire l'économie.
Cette responsabilité est collective, et nous avons à préparer le monde de demain pour les générations futures qui nous succèderont. La prise de conscience doit être générale, particulièrement chez les régulateurs du marché qui semblent détenir dans leurs mains l'équation du Développement Durable.

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