vendredi 23 mars 2012

Des causes et des conséquences.

La France a vécu ces derniers jours, des heures sombres, effroyables et dramatiques, comme elle n'en avait plus vécues depuis bien longtemps. Des moments qui ont soulevé une vague de colère, d'indignation, d'incompréhension qui a déferlé sur tout un pays, en plein traumatisme, en plein deuil. La France a basculé dans l'horreur.
Nombre de sentiments se mêlent les uns aux autres ; la peur, quoi de plus naturel ; la colère, bien entendu ; la révolte devant les actes de barbarie perpétrés ; mais aussi bien au delà de ce que l'humain peut comprendre et entendre, d'autres sentiments, moins neutres, plus obscurs, comme la haine, la vengeance, nés d'un climat passionnel au sens originel du terme.
Ce qui s'est passé, le climat ambiant et la mort de Mohamed Merah, vont radicalement changer le cours de la Campagne. Il y a des leçons importantes et déterminantes pour l'avenir de notre pays qui sont à retenir.
Au delà de l'horreur absolue que constituent les crimes commis et à l'égard des militaires montalbanais, et des jeunes enfants toulousains, qui résulte de l'action d'un homme déséquilibré, qui a agit au nom d'une cause insoutenable, qui n'a rien à voir avec l'Islam, condamnée par toutes les autorités religieuses, il y a une dérive, pernicieusement criminelle. Il y a eu ces exécutions, sommaires, calculées, froidement préméditées, mais également, en plus, au travers de cela, un crime contre la France, un viol des valeurs de la République, bafouées et méprisées.

Que ce carnage ait eu lieu durant la campagne électorale est un symbole, témoigne d'un indéniable malaise sociétal. Un malaise qui s'est par ailleurs traduit au travers des polémiques politiciennes qui ont enrobé ces évènements. Chacun se repprochant tour à tour des tentatives de récupération politique soit sous couvert de déclarations charitables ou de bon ton en de pareilles circonstances, soit au travers de reproches indécents. Le jeu politique dans ce qu'il a de plus hypocrite et de malsain. Si nul d'entre eux n'avait fait valoir son droit à l'émotion face au drame qui nous frappe, reproche leur en aurait assurément était fait. Qu'ils s'expriment sur le sujet n'a rien de condamnable, ils sont dans leur rôle et leur devoir de représentation, et parce qu'hommes avant tout, il n'y a pas à douter d'une intime sincérité pour chacun.
Quand aux piques lancées mutuellement, ça et là, sous la forme de procès d'intention dont la faiblesse immédiate de l'instruction  qui confine la scène politique à une caricature granguinolesque, elles relèvent d'une absence de dignité qui jette le trouble, qui ne semble pas prendre la juste mesure de ce qui s'est passé, du pourquoi du comment, ni de l'enjeu crucial qui se cache derrière cette tragédie. Nous nous sommes trompés de procès en éludant l'essentiel.

Car la question est là que celle des conséquences de ces événements ; mais s'y intéresser, c'est aussi analyser la nature même de l'acte au travers de ses raisons, de sa cause, en étudier l'interprétation politico-médiatique, pour mieux en saisir tenants et aboutissants.

Mohamed Mérah a agit suivant des convictions qui lui sont propres, récusées par la morale universelle, et toutes les confessions religieuses, a assassiné trois militaires, officiellement en raison de cette qualité ; c'est un peu vite oublier que les trois militaires en question étaient des victimes françaises d'origine maghrébine. Ce simple détail qui qualifie les victimes de maghrébines a été soigneusement omis par la plupart des grands médias nationaux, et par la plupart des politiques. Alors que peut-être, l'assassin les avait soigneusement choisi pour cette raison, pour les punir, traîtres qu'ils devaient être à sa cause.
Mohamed Mérah a exécuté froidement et cruellement des enfants, circonstance plus qu'aggravante, au simple motif que ces derniers étaient coupables d'être juifs, ce que les médias ont relayé. Un crime dont il ne fait aucun doute qu'il est antisémite, et perpétré par un français dont il n'aura échappé à personne tant les chaînes d'information en continue l'ont martelé, qu'il était d'origine algérienne... Une attitude indicible, subliminale, mais bien réelle, dont chacun sera juge en son âme et conscience.

Dès lors, il apparaît que du statut de victime à celui de coupable, il y ait des distingo malheureux, un peu comme s'il y avait aujourd'hui en France, deux poids deux mesures selon la communauté dont on est issu. Que voici le viol des notions d'Egalité et de Fraternité aux yeux de la République. Que voici une dérive flagrante pour cette France, par essence généreuse avec ses enfants, citoyens prétendument égaux.
L'ensemble de ces crimes était animé par des desseins xénophobes et religieux, commis par un français sur d'autres français. Il est trop simpliste de voir Mohamed Mérah comme un français d'origine algérienne ; ce dernier était un enfant de la République, laïque, une, et indivisible, qui a agit en son nom, non en celui des musulmans.

Aujourd'hui, les autorités ont beau jeu d'appeler à ne pas faire d'amalgame, afin d'éviter l'incompréhension et une éventuelle escalade de violence. L'Etat est ici dans son rôle de prévention et de protection des citoyens.
Mais le mal est fait, beaucoup plus profond qu'il n'y paraît.
Il y a bien une stigmatisation, implicite, de fanges de la population, qui plus est en période pré-électorale, lorsqu'il s'agit de questions sécuritaires (souvenons-nous de 2002). Il serait hypocrite de ne pas le reconnaître.

La France, qui condamnait haut et fort le moindre dérapage verbal de Jean-Marie Le Pen, personnage peu recommandable et porte drapeau de l'extrême droite française, qui cristallisait sur lui la haine de ceux qui se voulaient défenseurs de la Démocratie et porteurs des valeurs républicaines. Il était tellement facile de s'acharner sur la bête immonde qui n'était plus à ça près.

En revanche, les associations, la presse, la Justice, organes indépendants, se sont montrés beaucoup plus cléments vis à vis de Jacques Chirac, en son temps, Claude Guéant, Nadine Morano, auteurs de déclarations contestables. Quand la viande halal devient un temps, un sujet majeur de la campagne présidentielle, c'est bien qu'il y a un malaise quelque part... Quand à Marine Le Pen, qui voit le fondamentalisme musulman comme responsable de l'antisémitisme en France, elle devrait savoir et que le fondamentalisme n'est pas que musulman, et que l'antisémitisme en France n'a pas attendu l'émergence de l'Islam pour être présent dans notre société.

L'inertie ambiante, malheureusement républicaine, a conduit finalement à la banalisation de propos ambigües, à des fins électoralistes, qui décomplexe les instincts les plus fous, les plus meurtriers. Le danger potentiel existe bel et bien, sans qu'il soit forcément, religieux ou raciste.
Mohamed Mérah n'était pas une création de la société, il a développé sa réflexion sur des fondements qui dépassent ce cadre, mais qui s'appuie sur une évolution sociétale malsaine.
Les politiques eux-mêmes, agressifs, qui cultivent l'art de la polémique à tout va.
La France s'est fourvoyée, la République s'est dévoyée, n'est plus l'exemplaire vertueuse qu'elle ne devrait jamais cesser d'être, cet idéal de justice dont elle s'est toujours réclamée. La France va mal, et comme l'a justement précisé François Bayrou, "ce qui s'est passé n'est pas sans une certaine évolution de la France". Ne pratiquons pas le déni, complaisante illusion. Notre pays a besoin de fraternité, d'union, d'Unité Nationale pour redevenir en adéquation avec ses valeurs. Ces mots que Bayrou martèle jour après jour prennent corps avec le besoin de la réalité, justifient ce qui nous manque.
Parce que c'est désormais bien connu et indubitable : Un pays Uni, Rien ne lui résiste !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire